APRÈS LE CONCOURS D’AUVERGNE (1934)
vendredi 15 novembre 2019, par
Par G. R., Le Cycliste, juillet 1934
Le Cycliste a bien voulu me demander quelques lignes sur le Concours d’Auvergne.
Si j’ai accepté, c’est que j’ai suivi le Concours de bout en bout, jusqu’au retour à Paris, hélas ! et jusqu’au classement, règlement en mains. Je ne puis donc m’autoriser à donner que des impressions générales et ce, sans nommer personne.
Le parcours a été favorisé par un temps splendide, pas assez sévère, peut-être, mais nul concurrent ne s’en est plaint. L’itinéraire mérite que l’on donne des louanges à nos amis les organisateurs. Mention particulièrement honorable pour la descente du col « Sans Nom », vers Brezons, dans un site purement pastoral. Certains ont trouvé les routes mauvaises. Un tel choix était imposé, si l’on voulait éprouver les machines et satisfaire à l’idée directive du Concours. Je dirai même, en cyclotouriste, que ces routes un peu égarées, délaissées, seront peut-être, bientôt, pour nous, un dernier refuge, avant la pratique du chemin muletier, que certains cultivent déjà. Il nous faut des machines légères, mais robustes, pour tous terrains. Et, comme dit ma concierge « qui peut le plus peut le moins ».
Sans perdre de vue le règlement sur lequel je me guide, constatons que les avaries graves et mises hors de course ont été très rares ; que beaucoup de pénalisations proviennent d’un excès dans l’allègement, d’une faiblesse dans le montage des accessoires ; d’un mauvais choix des enveloppes — chambres et boyaux — ou sont enfin la conséquence d’une « volonté de vitesse » (inattention, imprudence, chutes) la moyenne imposée a été de beaucoup dépassée par la plupart des concurrents. Quelques-uns, qui n’étaient, d’ailleurs, pas possesseurs de machines les plus légères, et sachant leurs chances très compromises par le handicap du poids, se sont livrés à une course-poursuite des plus acharnée. Les autres n’ont pas tous suivi, heureusement. Cet égrènement sur la route n’a pas facilité les opérations de contrôle, puisque les contrôles volants et les contrôles d’arrivée ont dû fonctionner chacun pendant plusieurs heures, souvent simultanément. De ce fait, il n’y a pas eu beaucoup de pesées de paquetages, ni de démontages de roue-libre en cours de route, suffisamment, cependant, pour ennuyer certains qui n’avaient pas dû lire attentivement le règlement.
Je suis heureux de dire que la presque unanimité des concurrents se sont prêtés avec enthousiasme aux opérations de contrôle. Beaucoup ont déclaré spontanément des petites avaries, qu’un esprit de compétition trop acharné qualifiait de « fortuites », et croyait devoir mépriser.
Enfin, et je regrette d’avoir à le dire, presque tous les concurrents, pour gagner sur le temps du parcours, des minutes improductives, négligeaient, avant l’arrivée de. l’étape, de vérifier le parfait fonctionnement de leur machine. Pénalisations, parfois réclamations, que nous n’avons pu admettre. Je remercie, à cette occasion, les concurrents, de la gentillesse avec laquelle ils ont admis notre rôle ingrat, et de leur indulgence à l’égard de notre sévérité. Il y eût bien deux ou trois cas de, mauvaise humeur, traités avec sang-froid. Mais, dans l’ensemble, loyauté sportive, bonne humeur et parfaite camaraderie, ce qui n’empêchait pas de poursuivre aux étapes, des discussions passionnées entre techniciens ; et qui ne l’était pas ?
Pratiquement (je donne ici un avis personnel et qui n’engage que moi), le vélo léger a fait ses preuves. Le duralumin semble s’imposer pour beaucoup d’accessoires et d’usages secondaires. Il faut, cependant, le choisir de première qualité, et l’économie, de poids sur chaque pièce n’est pas considérable, à résistance égale ou presque égale. En résumé, une machine de bonne fabrication courante pourrait être allégée de un à deux kilogs. C’est l’enseignement incontestable de ce concours pour les constructeurs y ayant, ou non, participé. Ce résultat n’est pas négligeable, à mon avis, et si c’était le vôtre, le « Groupe Montagnard Parisien » serait payé de ses peines.
Pour la montagne, et sans aucun paradoxe, la question de poids ne me paraît pas primordiale. Il est beaucoup plus important, comme je l’indiquais au début de cet article, d’avoir en mains une machine bien équilibrée, à roulements parfaits, possédant un jeu de pignons très complet et des enveloppes solides et confortables.
Faites léger, mais ne sacrifiez ni une seule vitesse, ni une jante acier, ni une chambre résistante, ni un frein-tambour, pour un gain illusoire de quelques centaines de grammes.
La panne sérieuse est irréparable, presque toujours ; et un vélo de montagne doit présenter, en tous ses organes, un coefficient de résistance nettement supérieur à celui exigé pour un usage normal.
G. R.