EXCURSIONS DU CYCLISTE juillet aout 1924
jeudi 31 octobre 2024, par
Gel et dégel, brume et soleil, froid et chaud, suées copieuses et bise cinglante, paysages sévères et riants, pittoresques et quelconques, tout a été réuni, au cours des 150 km. de mon excursion de dimanche dernier, pour la santé du corps et la distraction de l’esprit. Il gelait ferme au départ et l’on pouvait s’attendre à de mauvais états de routes ; je choisis donc de nouveau mon lourd carrosse sans chaîne. Parti aimable compagnon qui ne me quitta qu’à aimable compagnon qui ne me quitte qu’à 17 heures, enchanté lui aussi d’avoir vécu de bonnes heures en pleine nature.
Quand on tourne à droite après Rive-de-Gier, en direction de Trêves, on s’élève assez vite et la vue s’étend dans la vallée du Gier qui, lorsqu’on la voit pour la première fois, n’est pas du tout banale, mais l’accoutumance rend indifférent aux plus beaux sites. Froid sombre, les fidèles emmitouflés se hâtent vers l’église. Passé Trêves, longs kilomètres monotones sur un plateau ondulé, à maigres cultures, auxquelles succèdent, après le col du Pilon, des terrains incultes. Le brouillard cache les lointains. Mon attention est d’ailleurs concentrée sur le sol, où les cailloux épars, les ornières gelées, les flaques de glace m’obligent à louvoyer. A la Croix-Régis, point culminant, se rencontrent quatre routes aboutissant à Rive-de-Gier, Givors, Vienne et Condrieu. Je me crois si sur de mes souvenirs que je ne mets pas pied à terre pour consulter l’a plaque indicatrice et je vais tout droit, au lieu de tourner à gauche. Un peu plus loin, bifurcation qui m’oblige à m’orienter ; je me trouve sur la route de Vienne ; tant pis, continuons. Un peu plus loin, encore une bifur sans poteau, sans personne que je puisse consulter. Je vais, viens et reviens et, en fin de compte je choisis la route la plus engageante qui, après un ou deux kilomètres, devient pitoyable. Je me suis certainement trompé. Bah ! tous les chemins mènent à Rome et j’aboutirai bien toujours quelque part dans la vallée du Rhône. Depuis e Pilon et même avant, je n’ai pas rencontré âme qui vive ; voici pourtant devant moi une silhouette qui émerge de la brume ; je l’interroge : « Par là vous allez à Loire », me répond-elle. Parfait, Loire ou Givors, c’est la même chose et mon erreur à la Croix-Régis se trouve redressée. Je me suis étendu sur ces menus incidents de route pour montrer qu’un cyclotouriste ne doit pas être l’esclave de son itinéraire ; le dieu de l’erreur qui le guette à chaque pas lui fait parfois quitter sa voie pour une voie meilleure. C’est ce qui m’arrive aujourd’hui, car cette petite route que j’ignorais est très pittoresque ; elle traverse des pinèdes, longe un grand ravin et soudain plonge par une pente invraisemblable et des lacets dangereux, vers un clocher trapu entouré de quelques masures. Plus l’on s’abaisse, plus le ciel se découvre et le soleil essaie de se montrer.
Me voici sur la nationale n° 86 devant un vaste placard qui m’apprend que je suis à 36 km. de Serrières. Le macadam si mauvais il y a deux ans, est idéalement roulant ; on va donc pouvoir s’en donner et je ne tarde pas à pédaler à mon maximum qui, avec mon lourd engin, ne dépasse pas le 25 à l’heure. C’est le premier moment agréable de l’excursion ; peu d’autos, on peut regarder à droite et à gauche et je ne m’en fais pas faute ; le soleil me réchauffe autant que l’exercice ; j’en avais besoin. A Condrieu, j’entre soudain dans un rechargement et une boue de dégel où je manque déraper ; puis, le macadam redevient mauvais et la danse commence entre les trous, les bosses et les cailloux. Comme un malheur n’arrive jamais seul, le ciel s’embrume de nouveau, la température se resserre et j’arrive à Serrières un peu transi. Mais la rampe de 3 km. à 8 et 10 % qui grimpe à Charnas va me fournir l’occasion d’une hyperbolique suée. L’itinéraire de cette excursion a décidément été bien combiné, on peut le recommander :
Il va du grave au doux, du plaisant au sévère...
Sévère, il l’est certes, ce raidillon où je m’escrime avec mon petit développement de 3 mètres, qui me paraît beaucoup trop grand. Mais de quelle belle vue sur la vallée on doit y jouir par beau temps clair et ensoleillé ; on y traverse trois ruisseaux dont le dernier que l’on remonte assez longtemps, ne déparerait pas un décor alpestre. L’eau claire ici et là verdâtre, glisse, court, bondit, cascade sur des roches polies, noires et grises où elle a creusé çà et là des gouffres minuscules, nids à truites destinées à figurer sur la table des hôtels de Serrières, rendez-vous des trois G (gourmets, gourmands et goinfres) qui les y savourent à cette heure même.
Prévoyant le rude travail que j’avais à effectuer, je m’étais, après Condrieu, sans perdre un coup de pédale, lesté d’un bon morceau de pain, mastiqué lentement et ensalivé avec soin, de façon à le rendre plus assimilable et plus prompt à se transformer en calories. C’est pourquoi les gars de Charnas, qui me regardaient grimper, me virent passer avec le sourire. Après Charnas, la route sinueuse à l’excès s’éloigne tellement de la ligne droite pour aller franchir maints ruisseaux sans trop perdre de son altitude, elle se raccorde à tant d’autres routes où les poteaux indicateurs brillent par leur absence, que je suis obligé de m’arrêter souvent pour m’assurer que je ne tourne pas le dos à ma direction. Un clocher, invisible dans la brume, m’a décoché les douze coups de midi alors que j’attendais, à une bifurcation dont les plaques indicatrices ont été saccagées par des vandales, qu’un passant me renseignât. Midi, c’est l’heure où les honnêtes gens se mettent à table. Déjeunons donc, et un second quignon va rejoindre ce qui reste du premier dans le creuset où s’élabore, par un mystérieux processus, le fluide vital. Je ne suis plus bien loin de Maclas quand je constate, surprise agréable, qu’au loin, devant moi, la voûte céleste s’azure et s’ensoleille. Mon ardeur en est accrue et les pédales me semblent légères. Pélussin est bientôt derrière moi et j’enlève, sans discussion, avec mon grand développement les huit kilomètres de rampe douce qui aboutissent au col de Pavezin, où je mets pied à terre à 14 heures précises. Le soleil y brille de tout son éclat, mais une bise froide y souffle de toute sa force ; j’ai naturellement très chaud et je risque d’avoir très froid si je ne prends pas quelques précautions. Pour ménager la transition, je passe trente minutes dans l’atmosphère tiède d’une salle d’auberge, juste le temps d’absorber, selon les règles, un bol de café au lait, avec pain et beurre, qui sera toute ma dépense de la journée.
Les routes que j’ai successivement empruntées depuis Charnas sont, en ce moment, passables et souvent bonnes jusqu’au col ; la descente sur la Terrasse, très mauvaise pendant les six premiers kilomètres, devient assez bonne ensuite jusqu’à Grand’Croix. Je ne sais quelle fête on célébrait à Saint-Paul, mais jamais je ne vis une route aussi couverte de promeneurs que les trois kilomètres qui nous séparaient là de la gare de Grand’Croix. Mon compagnon, plus jeune et plus hardi, me frayait le passage et nous ne pouvions avancer qu’à très faible allure à travers cette foule qui déambulait lentement et laissait l’impression de gens qui vont à un pèlerinage plutôt qu’à une fête balladoire.
Un compagnon avec qui l’on peut causer de choses et autres, est un puissant adjuvant à la fin d’une étape, et les 10 km. que j avais encore à égrener, me furent moins longs et moins pénibles que si j’avais dû les faire seul.
Vélocio.
Pour un col de haute montagne, le col du Béal en est un et il peut aller de pair avec le col de Porte dans le massif de la Chartreuse et les cols du Rousset et de Menée dans le Vercors et le Diois. Tel fut le but de ma randonnée du 29 mai et je quittai Saint-Étienne à quatre heures et demie avec un joli vent sud-ouest qui m’accompagna tout le jour, tantôt favorable, tantôt contraire, mais toujours frais et par conséquent agréable. A 6 h. 1/4 je me trouve hors de Montbrison, sur la route de Boën, et les 36 km. de transport que je viens de faire assez vivement sur des routes très connues et qui n’ont rien de bien captivant, m’ont été prétexte à remuer des souvenirs, à évoquer de lointaines images idéalisées par leur éloignement même et je me félicite d’avoir conservé, à 72 ans, une âme assez naïve pour s’intéresser à de semblables bagatelles. J’étais, comme d’habitude, parti à jeun, espérant obtenir quelque part, avant la montée qui commence à Pralong, le déjeuner matinal ; mais à Montbrison toute porte est close et, à Champdieu, il n’y a rien de prêt. Force m’est donc de tirer de ma poche le quignon de secours. A Pralong, beaucoup de monde sur la route ; les fidèles se rendent de grand matin à l’église. La rampe est assez forte pour justifier le petit développement de 3 m. 30 et je grimpe tranquillement. La journée s’annonce comme devant être très belle, rien ne me presse et le paysage devient attrayant. Je grignotais ma dernière bouchée quand, j’arrive en plein soleil sur une terrasse d’où je découvre, déjà bien au-dessous de moi, toute la plaine du Forez ; sans m’en douter, je me suis élevé de quelque 200 mètres ; mais, avec le soleil dans les yeux et la brume qui s’élève, je ne distingue pas grand chose dans l’immense cuvette qui fut un lac, paraît-il autrefois. Il va faire chaud, quittons la veste et mettons-nous hardiment au travail. Say, hameau de quelques feux, est bientôt derrière moi, puis la rampe s’affaiblit au point de devenir palier et quelquefois descente ; elle court à flanc de coteau, et, roulante, me permet de conserver le plus souvent ma 4e vitesse de 5 m. 25 ; la 5e de 7 mètres m’a servi de Saint-Étienne à Montbrison et j’aurai à utiliser, au courant de l’étape, même la 1re de 2 m. 50 et la 3e de 4 m., dont je me sers rarement. Me voici à un nœud de routes où il serait facile de se tromper, faute d’indications suffisantes sur le poteau qui marque seulement deux directions : Boën et Saint-Bonnet et ne fait aucune mention de Sauvain et de Chalmazelle, où je vais. La première fois que j’y passai, je ne ratai pas l’erreur, et, persuadé que je devais rallier au plus vite la vallée du Lignon plutôt que de m’en écarter en allant à Saint-Bonnet, je fis un ou deux kilomètres de rabiot que je ne regrettai pas, car ils me valurent d’avoir une très jolie vue, de haut en bas, sur le poétique Lignon chanté par Honoré d’Urfé et si différent de son sauvage homonyme du Mezenc. Ce nœud de routes s’appelle sur la carte : col de la Pelletière ; il faut y suivre la route de Saint-Bonnet qu’on laisse bientôt filer à gauche et l’on continue dans la direction du Lignon à travers un plateau marécageux où s’élèvent plusieurs groupes d’habitations. En arrivant à la limite de ce plateau, on aperçoit tout à coup la dépression profonde du Lignon et, de l’autre côté, à deux kilomètres à peine à vol d’oiseau, le clocher trapu de Sauvain. La route, à ce moment, glisse en pente douce, sous bois le plus souvent, le long d’un gros ruisseau qu’elle va franchir à quelques kilomètres de là pour remonter ensuite à Sauvain. Ce tronçon de six à sept kilomètres est des plus agréables qu’on puisse cycler ; le sol y est bien entretenu ; on dirait une allée de parc et je suis si heureusement aidé par le vent pendant la montée finale que je m’enlève sans effort en 4e vitesse. De Sauvain à Chalmazelle, route facile et qui descend si longtemps (étrange façon de s’y prendre pour s’élever ensuite à 1.400 mètres), que je crains de m’être trompé et d’avoir bifurqué, sans m’en douter, sur quelque nouvelle route comme on en trouve fréquemment et qui ne desservent souvent que des hameaux. Cette multiplicité de voies de communication est un indice de la prospérité du pays, mais elle m’a parfois induit en erreur et je juge à propos de m’informer. « C’est bien la route de Chalmazelle, me répond-on, et vous ne tarderez pas à monter, soyez tranquille ! » Le château de Chalmazelle m’apparaît bientôt en effet et, par un raidillon sec, j’arrive à l’hôtel des Voyageurs où un délicieux café au lait avec beurre, pain et lait à discrétion me réconforte. A en juger par la qualité et le prix de son petit déjeuner, cet hôtel est à recommander aux personnes qui recherchent le joli coin pas cher pour y passer l’été. Cette région est par elle-même, par ses forêts, ses eaux vives et abondantes, la variété des promenades et des excursions qu’on y peut faire, très attrayante et je suis sûr que les villégiateurs doivent y être nombreux. A 9 h. 20 je place ma chaîne sur mon 2 m. 50 et je commence sans hâte à grimper au col du Béal, qui est à 9 ou 10 km. de Chalmazelle. Vent contraire, soleil ardent, rampe très dure, digestion à peine ébauchée, quatre motifs qui m’engagent à aller pianissimo. C’est en prenant des précautions de ce genre, en obéissant à la raison, qu’on vient à bout des longues et dures étapes, tandis que si l’on se dépense sans compter, on est vite au bout du rouleau et l’on attribue à la bicyclette une fatigue qui n’est que le résultat de sa propre étourderie. Je ne vais probablement guère plus vite qu’un bon marcheur, car j’entends soudain derrière moi le pas bien cadencé d’un piéton qui veut sans doute me démontrer qu’on va aussi vite à pied qu’à bicyclette. Mais il m’est facile, s’il me plaît, de lui démontrer le contraire, de pédaler à 60 tours, comme il marche à 60 pas à la minute ; c’est même là ce que j’appelle la cadence naturelle qui concorde à peu près avec le nombre des pulsations. Les coureurs arrivent par un entraînement spécial et soutenu à doubler cette cadence et des expériences très précises ont fixé à 115 tours-minute leur vitesse de régime, celle dont ils tiennent leur meilleur rendement. Un cyclo-touriste ne saurait s’astreindre à un tel entraînement et il travaille dans les meilleures conditions lorsque, en changeant à propos de développement, il peut pédaler à 60 tours, sans essoufflement et sans courbature. Le moteur humain est pourtant assez souple pour s’accommoder, sans perte appréciable de puissance, de variations jusqu’à 20 % au-dessus ou au-dessous de ce nombre. Mais il nous est incontestablement désavantageux de tourner à 30 tours avec 6 mètres à une montée de 6 à 7 % ou à 100 tours avec 4 mètres en palier ; on peut faire cela à titre d’exercice, pour obliger les muscles à travailler on force et en vitesse ; il ne faut pas s’y amuser quand on est encore loin de la fin de l’étape, ce qui actuellement est mon cas. Les deux ou trois premiers kilomètres franchis, la rampe s’adoucit et je puis même reprendre mon 5 m. 25 çà et là, jusqu’au pied de la côte finale que je fais avec 3 m. 30 sans effort anormal. Depuis Saint-Étienne et jusqu’à Vertolaye, dans la vallée de la Dore, je n’ai pas rencontré et ne rencontrerai pas une automobile, mais j’en trouve une au col même, abandonnée dans les bruyères. Je ne puis donc me plaindre d’avoir été gêné par ces dangereux usagers de la route et je ne crois pas qu’il en passe beaucoup dans ces parages. Depuis Chalmazelle, la route est un enchantement, les yeux se tournent alternativement du côté de la vallée du Lignon qui s’enfuit vers le pays de l’Astrée et du côté de la montagne aux flancs de laquelle de longues tramées de neige mettent dos taches blanches, j’en verrai même quelques larges flaques on arrivant au col. Voici un clair ruisseau où je me suis souvent rafraîchi, puis la forêt profonde, impénétrable aux regards, descendant à droite des hauts sommets voisins et plongeant à gauche dans un ravin où gronde un torrent dont on ne tarde pas à franchir un affluent. Les derniers kilomètres rampent en serpentant à travers les bruyères jusqu’au col situé au ras même de la ligne de crête ; le sol devient rocailleux, mais reste néanmoins très cyclable et je mets pied à terre à 10 h. 1/2 devant un large placard qui m’apprend que Pierre-sur-Haute (alt. 1.654m) est à deux heures de marche et qu’un sentier jalonné y conduit ; je crois qu’en une heure et demie on peut aisément faire le trajet. Du col, la vue derrière moi est bornée, mais devant moi elle s’étend très loin et ne s’arrête qu’aux puys de l’Auvergne ; le réseau des routes qui se croisent, s’entrelacent, se séparent et courent dans toutes les directions, donne l’impression qu’on aura quelque peine à ne pas s’égarer. Le fait est qu’à St-Pierre-de-Bouronne sans un passant obligeant, j’allais filer sur le Brugeron par où l’on va à Noirétable et non à Ambert. Il me restait à faire de 25 à 39 km. de descente ou de route facile ; j’en prends donc à mon aise ; jusqu’à Saint Pierre d’ailleurs l’ état du sol m’oblige à aller lentement. Je m’attardais à lire les poteaux, à goûter l’eau des ruisseaux, je m’attardais dans les coins ombreux ; je m’attardais partout et il arriva ce qui devait arriver. A midi moins le quart, j’entrai à Vertolaye, sur la Nationale 106, où une borne m’apprit que j’étais à 13 km. d’Ambert.. J’avais mis une heure et quart pour faire 13 ou 14 km. de descente rapide ! Qu’on ne m’accuse pas d’aller trop vite.
La chaleur était lourde, le temps se gâtait et le vent m’était plus contraire que jamais. J’en mis un bon coup, comme disent les sportifs et je fus à Ambert à midi et demie. J’y déjeunai dans une auberge modeste mais propre et je me remis en selle à 14 heures, persuadé que j’allais être abondamment douché par Jupiter Pluvius qui m’a déjà joué plus d’un mauvais tour. Mais ce jour-là je n’eus pas à m’en plaindre et son ire se déversa sur d’autres que sur moi. Si j’étais mouillé en arrivant aux Pradeaux. c’était de sueur, parce que j’avais poussé un peu ; un fellah me voyant arriver en cet état aurait été de suite fixé sur celui de ma santé. Les fellahs, en Egypte, ne se demandent pas en s’abordant : comment vous portez-vous ? mais comment suez-vous ? Dès les temps les plus reculés, ces intelligents observateurs, nous apprend Hérodote, avaient compris qu’un homme qui ne sue pas est un homme malade, presque un homme mort. La docte Faculté ne le comprenait pas, il y a cinquante ans (j’ignore son opinion actuelle, car elle en change souvent) et je connaissais, avant 1880, un jeune médecin des hôpitaux qui proscrivait rigoureusement la suée ; or, un soir, au bal de la Préfecture, il dansa tantôt si bien qu’il sua comme un simple fellah et ne sachant sans doute pas ce qu’il convenait de faire dans cet état où il ne s’était jamais vu, il attrapa, en sortant une fluxion de poitrine qui, en huit jours, l’envoya sur les bords du Styx. Je sais heureusement, ou tout au moins je crois savoir ce qu’il convient de faire. S’il avait fait très chaud, je me serais trempé la tête et le torse dans l’eau : comme il faisait plutôt froid, je m’épongeai rapidement, me bardai de papier par devant et par derrière, relevai jusqu’aux oreilles le col de mon veston, et me laissai ensuite descendre vent dans le dos, à la vitesse limite pendant neuf kilomètres, jusqu’à Saint-Anthème : voilà qui améliore la moyenne horaire. J’en fis autant de la croix de l’Homme-Mort à Saint-Marcellin, puis par la rampe de Saint Just au Chasseur, que je fis avec quatre mètres. malgré le vent contraire. et qui après celle du Béal (on juge de tout par comparaison) me parut insignifiante, je rentrai à Saint-Étienne à 19 h. 1/2 dans les meilleures dispositions du monde, heureux de terminer dans d’aussi bonnes conditions, par une étape de 192 km. en haute montagne. la série 1924 de mes excursions et randonnées dominicales dont le récit, pour fidèle qu’il ait été, doit commencer à fatiguer les lecteurs du Mémorial. Velocio.