Excursions du “Cycliste” mars avril 1927

jeudi 31 octobre 2024, par velovi

Je ne retiendrai que deux de mes excursions dominicales de février et de mars, celles qui eurent pour objet l’étude, sur le terrain, de la bicyclette ballon, tant au point de vue Confortable qu’au point de vue Rendement.
Le 21 février, je venais de recevoir cette machine dont j’ai déjà parlé dans le précédent Cycliste ; elle était encore monoxée à 4 m. 70 et quoique l’itinéraire que j’avais choisi ne fut pas très accidenté, il l’était assez pour me mettre en échec avec une machine poussive. Mais, dès le départ, à 7 h. 1/2, sur le pavé, .je sens que j’ai sous moi une monture à grand * rendement et je tourne allègrement à mon maximum de 80 à 90 t.-m. Au pavé succède la route bitumée, toujours en pente douce, puis quelques montées, le raidillon de la Fouillouse et me voici à la Gouvonnière avec 25 km. de plaine devant moi jusqu’à Feurs où j’arrive à 9 h. 25. Ma cadence moyenne pendant ces 39 km. a donc été de 70 t.-mn. ; je ne m’en serais pas cru capable, et les pneus Ballon y sont bien pour quelque chose ; peu gonflés, ils ont bu les menus obstacles et je n’ai eu qu’à entretenir le mouvement, tandis que de petits pneus gonflés à bloc ont leur élan brisé par les moindres aspérités, vous secouent terriblement et nous obligent à de continuels démarrages.
A Feurs, je tourne à droite et me dirige vers les monts du Lyonnais, que je veux explorer dans la direction de Saint-Just-la-Pendue, afin de reconnaître la route que je compte suivre pour aller sous peu aux Echarmeaux. Il s’agit de savoir s’il vaut mieux, de Feurs, gagner Saint-Just par Cottance et Sainte-Colombe, ou par Balbigny et Sainl-Marcel-de-Félines. Ce n’est pas toujours, en effet, le chemin qui, sur la carte, semble le plus direct qui est le plus vite, et tel sera le cas aujourd’hui. La rampe qui aboutit à Cottance est longue, mais elle n’est pas trop dure pour mon unique 4 m. 70. Le temps est superbe, le froid est vif et au loin, devant moi, je vois les sommets couverts de neige. Il y a eut ce jour-là un concours de skis au Cessat et j’avais, chemin faisant, admiré la merveilleuse situation de notre ville, centre de séjours variés, et combien la Nature nous donnait à tous à si peu de distance, généreusement et en meme temps, ce qu’il nous fallait : de beaux champs de neige aux skieurs, du beau temps sec et de clairs horizons aux randonneurs.
Avouons que nous ne sommes pas trop mal sur cette terre ; on peut toujours assurément esperer mieux, mais ni les houris du paradis de Mahomet, ni beuveries sans fin du Wahalla-ni même la béatitude éternelle du ciel
boudhiste n’ont pour moi autant d’attrait que le cyclotourisme et la vie du plein air, surtout quand il fait le temps d’aujourd’hui.
Je n’ai pas de carte, selon ma mauvaise habitude, et je sais que beaucoup de chemins se croisent et s’entrecroisent clans la direction où je vais. Il s’agit de ne pas trop s’égarer ; j’ai la chance de trouver à Cottance un brave homme qui prend la peine de me tracer sur un papier mon meilleur itinéraire : en vue de Montchal, au lieu de descendre sur Sainte-Agathe d’où je ne sortirais que par une rampe très dure, continuer pendant quelques kilomètres en direction de Bussières et, par un tronçon de route tout récemment ouvert à la circulation, que les cartes n’indiquent pas encore, rejoindre la route de Bussières à Violay, qu’il faudra suivre jusqu’au Grand-Remblai. A cette bifur, prendre à gauche la route de Sainte-Colombe d’où je gagnerai aisément Saint-Just-la-Pendue.
En m’élevant à 10 ou 12 à l’heure, j’avais eu une jolie vue du grand bourg de Rozier-en-Donzy, s’étalant au soleil à mi-coteau sur l’autre versant du ravin, puis le clocher de Cottance m’était apparu fièrement campée sur une éminence rocheuse, comme une sentinelle inspectant l’horizon. Ensuite la descente m’entraîna et mes ballons firent merveille : ils buvaient cailloux et têtes de chat et aplanissaient la route sous mes roues, si bien que non seulement le cycliste, mais encore la bicyclette échappaient aux trépidations. Et les trépidations, il faut bien qu’on le comprenne, sont pour moitié dans la fatigue générale après une longue étape.
Je laisse donc Sainte-Agathe à droite et je continue en rampe douce ou palier, l’œil aux aguets pour ne pas manquer la nouvelle route qui doit m’amener au Grand-Remblai. La voici, le long’ d’un bois taillis ; elle monte à droite, molle et boueuse ; il faut appuyer, mais ce n’est pas long et je roule bientôt dans la neige et la glace qui jalonnent la route de Bussières à Violay ; je côtoie les sommets blancs de neige que j’avais repérés en montant à Cottance. Je suis ici au point culminant de mon itinéraire et c’est par une légère descente que j’arrive au Grand-Remblai, après avoir tourné autour de Sainte-Agathe. Une longue descente face au nord m’entraîne, le vend froid m’oblige à me couvrir, on ne prend jamais trop de précautions et je ne cesse de recommander aux jeunes gens qui sortent avec moi de se dévêtir autant qu’ils le voudront à la montée, mais de se couvrir plutôt trop que pas assez à la descente. On a fait souvent à la bicyclette le reproche de nous rendre malades. Evidemment, comme tous les sports où le repos succède à l’effort et le froid au chaud, la bicyclette peut très bien vous envoyer ad patres si mouillé de sueur, on se laisse descendre à toute allure dans un brouillard froid et humide, sans s’être enveloppé dans un imperméable ou tout au moins bardé de papiers. Ce moyen simple et peu coûteux de se prémunir contre les refroidissements n’est pas assez utilisé. Un journal roulé autour du corps est un merveilleux plastron contre la bise, relevé jusqu’au menton il protège le cou, glissé sous la culotte et sous les bras il défend les cuisses, les genoux et les mollets contre l’humidité du vêtement après une averse stoïquement reçue ; un bourron de papier glissé dans le dos entre la peau et la chemise ou le maillot mouillé de sueur vous met à l’abri de cette douloureuse sensation de froid entre les épaules, prélude de pneumonie, que laisse le linge humide. Bref, le papier est un excellent agent de thérapeutique préventive. Il est une des deux choses qui m’ont toujours inspiré le plus grand respect et que je me ferais scrupule de gaspiller : le papier dont on fait le livre, nourriture de l’esprit : le blé dont on fait le pain, nourriture du corps.
Des passages boueux succèdent aux passages neigeux ou glacés à mesure que l’altitude diminue et m’obligent à la prudence : mais enfin je trouve la route libre et je mets pied à terre bientôt à Sainte-Colombe dont j’ai vu tout à coup, à un tournant, le clocher pointu sortir de terre. Quatre routes se rencontrent dans ce village, celle qui m’y amène, celle qui va à Saint-Cyr-de-Valorges. celle qui va me conduire à Saint-Just-la-Pendue et celle qui va à Xéronde. On m’y donne complaisamment les renseignements que je demande, et quelques kilomètres de descente me déposent au pied du mamelon sur lequel se déploient les maisons et les usines de Saint-Just, devant un poteau indicateur qui m’indique à droite Chirassimont à 6 km. C’est par là que je passerai pour aller aux Echarmeaux. Une dernière rampe très accessible à mon unique 4 m. 70 et, sans entrer dans le bourg, j’entame la descente à peine interrompue par deux ou trois légères contrepentes qui va me ramener sur la nationale 82, puis à Balbigny et à Feurs.
Mais 12 heures sonnent, il est temps de se mettre à table ; je trouve bientôt une idéale salle à manger où, en plein soleil, abrité du vent par un petit bois, je puis en toute tranquillité, sur la route déserte, manger lentement en l’ensalivant avec art, afin de l’envoyer dans l’estomac, prêt à une digestion facile et une assimilation intégrale, un gros morceau de pain d’au moins deux cents grammes que j’avais emporté en prévision de cet agréable intermède. Un instant après, je m’arrête à Saint-Marcel-de-Félines devant un mignon castel vêtu de lierre, entouré d’un fossé sans eau ni grenouilles, mais protégé par un petit mur et qui fait un très joli décor. Deux routes devant moi ; je m’informe et une dame, une consœur
cycliste sans doute, me répond : « Vous n’avez qu’un frein, faites le grand tour, la vieille route descend trop. » Et je fais le grand tour surpris et reconnaissant de cette bienveillante recommandation, car je n’ai qu’un frein, en effet : moi qui prêche à tous la prudence, j’ai commis cette imprudence de m’aventurer dans la montagne avec un seul frein ! Et cela ne m’empêchera pas de passer, quelques minutes plus tard, à la vitesse limite d’au moins 50 à l’heure devant la borne 19 de la nationale, entraîné par la pente et poussé que je suis par le vent du nord. Il aurait pu m’en cuire, car dans une sortie subséquente, ce frein dont je me croyais sûr, ayant perdu un écrou, un seul petit écrou, fit banqueroute au moment où j’en eus besoin et je ne sais ce qu’il serait advenu si je n’avais eu un second frein à ma disposition. Avec les garde-boue se prolongeant devant la fourche de direction qui sont maintenant à la mode, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de freiner en cas de nécessité en appuyant le pied sur le pneu comme je l’ai fait souvent. Mon métier d’essayeur de machines m’a parfois contraint à faire des descentes avec des freins insuffisants et j’ai dû avoir recours au système D plus d’une fois, soit en improvisant quelque frein de fortune, soit en usant sur le pneu la semelle de mes sandales. A Feurs, je suis très en avance sur mon horaire, j’en profite pour m’arrêter près de deux heures dans une maison amie, puis par de jolis petits chemins bordés de bois et d’étangs, je vais à travers la plaine retrouver la G. C. 10 qui me soustraira à la cohue des autos et qui, par Saint-Cyr-les-Vignes, Saint-Galmier et La Fouillouse, m’amènera à Saint-Etienne avant la nuit avec 140 km., dont seulement 200 mètres faits à pied, à l’actif de ma bicyclette Ballon monoxée, pour sa première excursion dominicale.
La seconde eut lieu le 20 mars, Jupiter Pluvius ayant sévi sur les autres dimanches de ce mois ; elle eut pour but le col des Echarmeaux. Entre temps, ma « Ballon » avait atteint et même largement dépassé ses premiers 500 kilomètres ; elle avait maintenant deux freins et deux vitesses (3 m. 50 et 6 m. 10) par flottante et elle ignorait encore (elle les ignore toujours) les affres (les crevaisons par clous, épines, pinçons et autres en-, remis jurés des pneumatiques, mais elle pesait aussi 700 grammes de plus avec pompe de cadre et sacoche garnie, c’est-à-dire 15 kg. 200, poids très raisonnable, à mon avis, pour une polyxée de voyage.
Je lisais l’autre jour dans Cycling un article dithyrambique en faveur des bicyclettes légères. « Si le cyclisme prenait un nouvel essor, écrivait l’auteur, c’est qu’on s’était enfin décidé à lâcher les superdreadnougts et qu’on était venu à la machine légère. » Mais quel était le poids de cette machine légère ? Il n’en était pas question. J’ai compris cependant qu’il s’agissait d’une bicyclette à roues de 65 et à petits pneus ; il paraît qu’on s’envole là-dessus. Sur de très bonnes routes à sol ferme et uni, je n’y contredis pas, mais je voudrais comparer ces merveilles de légèreté avec ma bicyclette Ballon au cours d’une randonnée dominicale sur nos routes françaises. Et cette légèreté, de combien de kilog s’alourdit-elle ? Car enfin elle n’est pas impondérable et quand on la met sur la balance, elle accuse bien un certain poids ! Est-elle moins lourde que ma Sumbeam de 1892 qui, avec carter, garde-boue et pneus de 50mm. n’atteignait pas 10 kg. et qui roule toujours. Quand on me vante les mérites d’une bicyclette légère, je la suspends d’abord au crochet de ma romaine et je constate neuf fois sur dix que, nue, elle oscille entre 13 et 14 kg., tout comme une bonne routière, à 500 gr. près. Je crains qu’on ne se fasse de grandes illusions sur cette question de légèreté et, pour en revenir à ce qui nous intéresse le plus en ce moment, je reste persuadé que des pneus de 50mm peu gonflés, permettront de faire tout le reste de la machine plus léger que des pneus de 28 gonflés à bloc et que la bicyclette la plus légère sera en définitive la bicyclette Ballon. Il n’est question ici, comprenons-nous bien, que de machines de route et de tourisme par monts et par vaux, et non de machines de piste.
Mon programme me faisait, le 20 mars, partir de grand matin, afin de pouvoir rentrer avant la nuit, malgré les 230 km. que j’avais à égrener, et, à 4 h. 30, je laissai Saint-Etienne derrière moi. Bien que la nuit m’ait gêné pendant une bonne demi-heure et que mon allure eu ait été ralentie, grâce à mes ballons et à mon 6 mètres, j’atteins Feurs en moins de deux heures. A Balbigny, au lieu de suivre la nationale et d’aller à Saint-Just-la-Pendue par Saint-Marcel-de-Félines. route que j’ai, il y a un mois, reconnue comme la meilleure, me vient l’idée de suivre une autre route, plus directe encore, m’avait-on dit. Je m’efforce d’obtenir des renseignements, car je n’ai toujours pas de carte, mais ils sont imprécis et quand je me trouve, après quatre ou cinq kilomètres, à un carrefour où cinq routes se rencontrent. je deviens très perplexe. Un poteau m’indique Néronde à droite, un autre Saint-Marcel à gauche et un troisième Ste-Colombe en face, trois bourgades où je ne dois pas passer : mais la cinquième route n’a pas de poteau et va justement dans la direction de Saint-Just. Pas âme qui vive à qui je puisse demander un renseignement ; une grosse ferme est pourtant là, où plus de cent poules, picorant caquetant, semblent attendre la pâtée matinale, mais c’est en vain que j’appelle et que je frappe à l’huis, personne ne répond. Après une longue attente, je me décide à placer ma
chaîne sur 3 m. 50 et j’attaque la route sans poteau, qui grimpe ferme. .J’en avais enlevé quelques centaines de mètres et à certains indices, des doutes m’étaient venus sur son aboutissement, quand je rencontre enfin un garçonnet qui m’apprend que cette route est le chemin privé d’une propriété et s’arrête à un château. Je n’ai plus qu’à tourner bride, mais j’interroge encore : « Et comment va-t-on à Saint-Just-la-Pendue ? » — Ceux qui vont à Saint-Just, répond l’enfant, prennent la route de Sainte-Colombe. Ainsi ferai-je donc et s’il ne m’arrive pas trop de mésaventures de ce genre, je serai tout de même à midi au col des Echarmeaux. Un moment après, je suis rattrapé par un cycliste que mes pneus et. ma chaîne flottante intriguent depuis qu’il m’a aperçu ; il n’a jamais rien vu de tel ; il a cru un moment que j’allais perdre ma chaîne et que mon pneu arrière était à plat. Je lui demande tout d’abord mon chemin ; rassuré de ce côté, je lui explique pourquoi ma chaîne flottait et pourquoi mes pneus étaient aussi peu gonflés, que tout cela était combiné pour me permettre d’aller plus vite et plus loin en me fatiguant moins. — Ah ! ça, par exemple, fit-il, je voudrais bien le voir ! Je l’invitai alors à venir avec moi, mais il était arrivé et il disparut dans un chemin de traverse, devant un poteau qui m’indiquait enfin Saint-Just à cinq ou six kilomètres.
Deux contrepentes qui me firent plonger successivement au fond de deux ravins et deux bonnes remontées m’amenèrent à penser que cette route directe, plus courte peut-être de 500 mètres, est en réalité moins vite que celle qui passe par Saint-Marcel et qui ne comporte que de très légères contrepentes. Me voilà donc bien documenté sur l’odographie de toute cette région. De Saint-Just à Ghirassimont, longue descente suivie d’une longue montée. Le soleil a fini par vaporiser la gelée blanche qui couvrait la plaine et l’on commence à sentir les effluves printaniers ; l’eau ruisselle .partout, les prairies reverdissent ; je m’arrête quelques minutes pour croquer un premier quignon. Depuis longtemps, j’ai repris mon 6 mètres et comme les déplacements de la chaîne en flottante ne me sont pas toujours faciles à effectuer sans mettre pied à terre, je peine un peu sur ce développement pour arriver à Chirassimont où, la rampe s’accentuant, je reprends 3 m. 50 jusqu’à Marchézal et la Fontaine, hameau à cheval sur la grande route de Lyon à Roanne. Il y a vingt ans et plus que je n’ai passé là, cependant j’ai gardé le souvenir d’une descente continue sur un sol excellent, de la Fontaine à Amplepuis ; c’est donc bien le cas de replacer la chaîne sur 6 mètres et je me laisse aller comme dans un fauteuil ; or, ne voilà-t-il pas qu’une remontée que j’avais oubliée se présente ! Bah, fis-je, ce n’est qu’un raidillon, inutile de changer de vitesse et j’appayai comme un vulgaire monoxé et le raidillon dura 1.500 mètres. Je perdis là évidemment quelques kgm. que j’aurais économisés en proportionnant le levier de la puissance à celui de la résistance, mais d’un autre coté si l’on n’exerce jamais ses muscles à faire effort, on risque de les rendre paresseux et même de les affaiblir. Tels de jeunes polyxés que je connais, qui manœuvrent à tout propos les manettes de leurs changements de vitesse et ne veulent pas que, soit la pression, soit la cadence. dépassent une sage moyenne.
Stimulé au contraire par cet incident, je résolus de n’avoir recours à ma première vitesse que contraint et forcé et je ne m’en trouvai pas plus mal, bien qu’à certains moments en remontant la vallée du Rhins le matin et celle de la Brévennes le soir, j’eusse préféré n’avoir à pousser que 5 mètres ; alors je m’appliquais à tourner bien rond, à appuyer sur la pédalo pendant les cinq huitièmes de la circonférence afin de fournir, même au passage des points morts, une pression effective des deux pieds réunis, qui, d’après Scott, peut s’élever à 80 kg. par le jeu de la cheville, pour un cycliste entraîné pesant 80 kg.
Toutes ces considérations techniques et physiologiques ne m’empêchaient, pas d’admirer le paysage, nouveau pour moi à partir d’Amplepuis : à Cublize, je m’informai des difficultés que j’allais rencontrer sur cette route inconnue et je fus très exactement renseigné. Cette région est très peuplée et les gens y sont très complaisants. Au débouché de la route de Grandris qui, par la Cambuse, relie le Rhins à l’Azergue, je vois un cyclotouriste arrêté, consultant sa carte. Je m’arrête aussitôt, une crainte m’est venue. J’ai, depuis Feurs, perdu tant de temps en arrêts et fausses manœuvres que le soleil a marché plus vite que moi et il est 10 heures. Aurai-je le temps d’aller virer aux Echarmeaux et ne ferais-je pas mieux d’aller par cette belle route qui s’ouvre devant moi, rejoindre au plus vite la vallée de l’Azergue ?’ Tel sera le sujet de notre entretien. Je suis ici à 20 km. du col et j’ai à faire une montée dure, longue de six kilomètres (quatre avant et deux après Ranchal), mais la route est pittoresque, beaucoup plus que celle de La Cambuse. Cette observation fait pencher la balance et, après quelques explications données sur la flottante et les ballons à mon jeune confrère, je file sur Saint-Vincent-de-Rhins. dont le clocher haut perché s’aperçoit de loin et, d’agglomération en agglomération, j’arrive au pied de la montée nar laquelle va se terminer la vallée du Rhins en une combe étroite, solitaire, entourée de bois, où semble se blottir une maison à laquelle je n’ai vu ni portes, ni fenêtres. Mais avant d’en être là j’ai admiré combien cette vallée est riante, quelle animation lui donnent les nombreuses habitiens dont s’émaillent les deux versants que domine à gauche un clocher perché au sommet de la montagne.
J’ai traversé Ranchal, petit village de montagne, au moment où l’on sortait de l’église : les femmes se hâtaient vers leur maison pour préparer le repas, les hommes, agglutinés en grappes, encombraient l’étroite place, lents à se décider en faveur de tel ou tel cabaret. J’eus quelque peine à me faufiler entre eux. A ma droite, sur la crête, se profilait une Vierge que je pris pour celle qui domine les Echarmeaux. je me trompais ; la route, après quelques lacets, sortit de la combe en se dirigeant à gauche et tout à coup une pente rapide m’entraîna ; je ne m’attendais pas à arriver ainsi aux Echarmeaux et. après un ou deux kilomètres ainsi parcourus à vive allure, j’aperçus soudain, à gauche devant moi, au fond de la dépression, les lacets d’une route montante qui me parut être la suite de la mienne. « Je me suis certainement trompé, pensai-je : jamais je ne suis arrivé aux Echarmeaux autrement que par route montante. J’y suis venu de Beaujeu et de La Clayette, de Chauffailles et de Belmont et le plus souvent de l’Arbresle. toujours au prix de la forte suée apéritive. Et voilà que j’y arriverais pieds au repos, comme un vulgaire autoïste. Ça n’est pas naturel. ».
A la première borne, je mis pied à terre et je lus d’un côté : Ranchel à 3 km. 500 et de l’autre côté : Les Echarmeaux à 2 km. 500. J’étais donc dans la bonne voie. L’un peu plus loin, une désagréable surprise m’attendait ; les hôtels du col étaient déjà en me et je venais de reprendre les pédales pour franchir rapidement les derniers kilomètres, quand mes pieds tournent dans le vide : ma chaîne avait perdu son boulon d’attache et venait de tomber. J’essaie de réparer sur place ; rien à faire, je n’ai pas ce qu’il faut. Un peu de footing n’est pas pour me déplaire après quelques Ï10 km. de cycling. Le temps a été très beau tout le matin, je n’en ai pourtant pas joui aussi intensément qu’en ce moment où je domine un vaste panorama, ponctué par le pain de sucre de Poule et la ligne des maisons blanches et des hôtels qui bordent la route de Beaujeu.
Je m’informe : pas de réparateur de cycles aux Echarmeaux, mais deux cyclistes du pays qui ont entendu de quoi il s’agissait, me font une proposition honnête : « Payez-nous pot et nous arrangerons votre chaîne. » Affaire conclue ; pendant ce temps, je déjeunai. On apporte deux bouteilles, une grosse omelette, du pain excellent et de l’eau. En un clin d’œil mes gaillards ont remplacé le boulon par un clou rivé sur place ; nous voilà les meilleurs amis du monde. Ils m’offrent du vin et comme je m’oublie à leur répondre que je ne bois pas de ce poison, ils se récrient : « Le pinard ! du
poison ! On voit bien que vous ne travaillez pas pénible comme nous ; mais nous ne tiendrions pas une semaine, si nous ne buvions pas de vin. » — Bah, dis-je, il y a cinquante ans on ne buvait pas de vin dans les campagnes et l’on travaillait dur tout de même. — Oh ! ce n’est pas à comparer ; autrefois on était deux ou trois pour faire le travail qu’un seul est obligé de faire maintenant. Je n’insistai pas.
Les deux bouteilles sont promptement liquidées et les deux lurons me souhaitent bon voyage. Eux non plus n’avaient encore jamais vu de flottante ni de ballons, mais ils ne virent là que des originalités faites pour un vieil original qui ne boit pas de vin et quand ils ont, le soir, autour d’autres bouteilles, conté à d’autres cyclistes, leur bonne aubaine, ils ont dû, tous, rire un brin je suppose..., a moins qu’il ne se soit trouvé parmi eux un jeune esprit réfléchi (il n’en manque pas au fin fond des campagnes), qui se soit dit : « Faudrait voir ; ce qui est bon pour un n’est peut-être pas mauvais pour d’autres. »
Je ne m’attarde pas non plus, et à midi et demi, je démarre à mon tour. Il me semble que je n’ai jamais été moins fatigué à un départ des Echarmeaux. N’était le vent du Midi qui s’est élevé et souffle déjà très fort contre moi, je me verrais de retour en cinq heures, mais il faudra pédaler constamment à la descente, et la montée de la Brévenne en sera aggravée. Inutile de récriminer ; à 6 h. il fera nuit, je n’ai plus de temps à perdre. La route n’est pas très bonne, les ballons la rendent acceptable et je puis garder une bonne allure qui ne m’empêche pas de revoir et de reconnaître au passage des sites connus et de comparer cette vallée à celle que j’ai suivie le matin. Décidément, c’est à cette dernière que je donne la préférence : les vignobles qui couvrent les coteaux de l’Azergue indiquent sans doute plus de richesse, mais leur succession ininterrompue devient vite monotone. J’allais passer Chamelet en vitesse, quand je suis arrêté par un cycliste en qui je reconnais un vieil ami, habitué de nos meetings, qui m’apprend que le G. R. C. L. au grand complet est venu déjeuner aujourd’hui à Chamelet et que je rencontrerai, entre l’Arbresle et Sainte-Foy-l’Argentière, les cyclotourisles de Lyon, qui ont dû rencontrer à Saint-Symphorien les cyclotouristes stéphanois. Voilà des nouvelles qui m’enchantent Qui donc disait que le cyclotourisme se meurt ? La randonnée peut-être ; mais, à coup sûr, pas le cyclotourisme, qui est plus vivant que jamais, et ces meetings dominicaux entre cyclistes venus des quatre points cardinaux, affirment le succès de la Fédération française des cyclotouristes qui nous groupera bientôt tous sous son drapeau.
On discute ferme dans ces meetings sur les mérites et les démérites du T. C. F. ; les uns trouvent que le Cycliste est trop sévère à son égard, les autres qu’il ne l’est pas assez. Il importe de bien faire comprendre combien son action a été néfaste pour le cyclotourisme quand il s’est rangé, en 1920, du côté des fabricants de pneus s’efforçant de standardiser les dimensions des bandages et de les ramener à deux calibres, 28 et 35mn’ sur jante B. Il aurait dû, ce me semble, défendre son œuvre de 1905 qui avait standardisé la jante C dans laquelle on pouvait placer tous les calibres, depuis le 28 jusqu’au 45mm ; il aurait dû aussi se souvenir que les rapporteurs des concours inoubliables de 1902 et de 1905 avaient conseillé pour les machines de tourisme, des pneus de gros calibre qui ont mille avantages, ainsi que l’on ne tardera pas à s’en apercevoir, grâce à l’initiative des cycles Aumon qui ont repris l’idée maîtresse de ces concours et s’efforcent de vulgariser la bicyclette Ballon. Le T. C. F., en cette circonstance, a donc été ou dupe, ou complice de la grosse industrie caoutchoutière et nous a condamnés, d’abord, à mettre au rebut toutes les jantes C, et il y en avait, car les fabricants français qui avaient suivi les directives des rapporteurs Bourlet et Perrache : les maisons Terrot, Peugeot, Magnat, etc., ne nous livraient depuis quinze ans leurs bicyclettes que montées sur jantes C, tandis que seuls les fabricants qui prenaient leur mot d’ordre en Angleterre, utilisaient les trois jantes A, B, C. Ce fut une grosse dépense pour tous les cyclotouristes français, dépense à laquelle ils furent contraints par l’impossibilité croissante de se ravitailler en pneus C. Depuis trois ou quatre ans, il est en effet impossible de se procurer dans une petite ville, quelquefois même dans une grande, une enveloppe C, à tel point que je sais des cyclotouristes qui furent obligés, pour ne pas interrompre un voyage, de faire remplacer en cours de route leurs jantes C par des jantes standard et leurs bons pneus confort de 42 par des brise-os de 32. Et la faute n’en était ni à Voltaire, ni à Rousseau, elle en. était au Touring Club de France, que nous avions fondé’ pour qu’il nous protégeât et qui soutient le cyclotourisme à peu près comme la corde soutient le pendu.
Mais si grands qu’aient été et que soient encore les embarras, les ennuis, les dépenses occasionnées par la substitution, comme jante standard, du calibre B au calibre C, ils ne sont, rien à côté des conséquences de cette standardisation stupide qui ne tendent à rien moins qu’a tuer le cyclotourisme, si n’y mettent bon ordre les cyclotouristes qui ont survécu à cet étranglement.
Le Cycliste, depuis quarante ans, affirme à chaque page, sa foi dans l’avenir du cyclotourisme, arme puissante contre la mollesse, la veulerie morbide ou la vanité sportive dont souffrent nos jeunes hommes, voie ouverte vers
le retour à la nature, vers la vie simple et l’alimentation pure, vers le mépris des richesses matérielles dont le désir maladif affole la génération actuelle, source intarissable de santé physique, morale et intellectuelle et par conséquent d’énergie, de beaux sentiments et de nobles idées, enfin pour ceux qui sauront le comprendre et le goûter dans toute sa plénitude, expression la plus parfaite du bonheur terrestre.
Et vous voudriez qu’il le laissât tomber et qu’il ne fît pas grief au T. C. F. de sa servilité envers les puissances industrielles qui lui demandèrent, il y a six ans, de les aider à mettre à la raison ces pelés, ces galeux de cyclotouristes qui les obligeaient à fabriquer des pneus de toutes dimensions, ce pourquoi ils ne pouvaient gagner autant que s’ils ne fabriquaient qu’un seul type standardisé. Les dirigeants du T. C. F., qui ne sont pas cyclistes pour deux sous, comprirent cet argument, appuyé ; du banquet obligatoire en pareille circonstance, et quand ils sortirent de table, les uns dodelinant de la tête, les autres barytonnant du..., comme dirait Rabelais, l’un d’eux (ce n’était pas ce vieil ami Steinès, qui pédale encore parfois) se mit à fredonner en esquissant un vague pas de danse : « Les cyclistes ! qu’on les mette A la sauce qu’on voudra. Autrefois on les traita D’imbéciles à roulette ; Ils ne méritent que ça. Et tra la la, et tra la la. »
Alors, le rédacteur en chef de la Revue du T. C. F. prit sa plume à tout faire, sa bonne plume Touchatout et pondit l’article inepte que l’on sait, que le Président ne désavoua pas et dont l’auteur ne s’est pas encore excusé auprès de ses 200.000 lecteurs, en mettant son lapsus énorme sur le compte d’un accès postprandial d’aliénation mentale.
Et mes griefs, les voici : Depuis la standardisation, les constructeurs montent naturellement toutes leurs bicyclettes d’homme et de dame sur jantes standard calibre B ; or, il n’est pas possible d’obtenir, ni chez Dunlop, ni chez Michelin, ni chez aucun constructeur ou vendeur de cycles et de pneus, des 650 x 42, même pas des 650 x 38. Dames et hommes mûrs, qui recherchent avec raison les petites roues et les machines basses où ils se sentent plus en sûreté, sont donc condamnés aux pneus minuscules de 28 ou de 35 gonflés à bloc, c’est-à-dire à la torture des trépidations à laquelle les tortionnaires d’autrefois n’avaient pas songé. Quand on a fait 20 km. sur ces brise-os, on a mal au ventre, aux reins, à la tête et on laisse ça là. Que si l’on insiste et l’on se hasarde à faire étape de cyclotouriste, on revient éreinté à tel point qu’on ne veut plus entendre parler de bicyclette et qu’on renonce au cyclotourisme.
Voilà l’œuvre du Touring Club ; elle condamne à mort, ou le cyclotourisme, ou les cyclotouristes, et ce n’est pas en octroyant généreusement des subventions de 400 à telles Sociétés et de francs à telle autre un rétroviseur à Pierre et un Guidon à Paul, qu’il parviendra à guérir le mal que, par incurie, par insouciance, par je m’enfoutisme il a fait à la cause dont la défense lui a été confiée en 1890. Mais aussi, c’est bien de notre faute ; au lieu de le surveiller, de le maintenir dans la bonne voie comme les cycles cyclotouristes anglais maintiennent leur C. T. C., de lui rappeler à chaque Assemblée générale dans quel but nous l’avions fondé, nous l’avons laissé flirter à droite et à gauche, et aujourd’hui il n’a même plus à sa tête des cyclotouristes pratiquants et militants !
Il nous faut revenir à la logique et au bon sens, il nous faut placer à notre tête de véritables cyclotouristes, comme le Club Alpin a de véritables alpinistes, l’Automobile Club de véritables autoïstes, etc.
Peut-être vous demanderez-vous d’où sort cette longue digression à propos du T.C.F. Simplement des véhémentes protestations des vieux et des jeunes routiers du G.R.C.L. que je viens de quitter à Chamelet et qui, indignés de la façon désinvolte dont le T.C.F. les a cédés, par contrat, à l’U. V. F., m’ont bourré les poches de papiers à faire signer par tous les cyclotouristes de Saint-Etienne et qui ne sont pas précisément élogieux pour deux contractants.
Mais la nature ne tarde pas à ramener le calme dans mon esprit, qui se plaît à quelques souvenirs accrochés aux bornes et aux poteaux de cette route si souvent empruntée.
Voici, par exemple, le pont Nizy, où s’embranche la route de Villefranche que j’allais suivre ce jour-là. Le fait remonte à l’été de 1887, et j’étais en tricycle. Je m’étais juste ment arrêté à la jonction des routes pour consulter la plaque indicatrice, quand m’aborde un notable (je le tins pour tel à son extérieur) qui m’assure que j’aurais grand tort, en cet équipage, d’aller à Villefranche par cette route accidentée et qu’il n’est pas prudent, à mon âge, de se servir de ces mécaniques ! J’aurais bien donné quelque chose pour le rencontrer aujourd’hui et pour lui demander si depuis quarante ans il n’avait pas changé d’avis. Mais que de gens aujourd’hui professent l’opinion de ce notable de 1887, surtout a l’égard des dames et leur prédisent les pires catastrophes si elles pédalent passé 15 ans. Je n’ignore pas que l’erreur est ici-bas souveraine maîtresse, mais renoncer à un aussi agréable et hygiénique passe-temps que le cyclotourisme, parce qu’une vieille perruque essaie de vous en détourner, serait pousser un peu loin l’errare humanum est, et j’estime que j’ai bien fait de ne pas suivre les conseils de mon notable du pont Nizy.
Me voici an pied du dos d’âne qui, par St-Germain, unit Chessy à l’Arbresle ; j’en fais à pied les deux premiers kilomètres pour ne pas soumettre à un trop grand effort ma chaîne sommairement réparée, puis à Sain-Bel, je me leste d’un peu de pain trempé dans du café. La route devient bien mauvaise ; il y a longtemps qu’elle est dans cet état, il serait temps qu’elle en changeât, sinon la vallée de la Brevenne nous sera interdite. Les pneus ballon me protègent pourtant assez pour que je conserve une honnête allure. Cyclistes et cyclettistes locaux sont nombreux, presque tous munis de roues à retournement, qu’ils ne retournent d’ailleurs jamais, et de tout petits pneus ; mes ballons, naturellement, les suffoquent ; en voilà qui seront difficiles à convertir et, pour l’usage qu’ils font de la bicyclette, leur « Tour de France » leur suffit bien. Mais j’aperçois un polyxé qui vient à moi, c’est l’avant-garde du Club des Cyclotouristes de Lyon, que je rencontre successivement en ordre dispersé, avant Sainte-Foy-l’Argentière et qui, tous, veulent essayer ma bicyclette qu’ils trouvent parfaite, par politesse sans doute, car ce n’est pas sans de longs essais comparatifs qu’on peut apprécier une machine à sa juste valeur. Eux aussi, tout comme les vétérans tout à l’heure à Chamelet, sont furieux contre le T. C. F., mâtiné d’U. V. F., qui prétend régenter dorénavant le cyclotourisme français. C’est décidément un tollé général !
L’heure me talonne maintenant, mais quoi que je fasse, il me sera impossible d’arriver à Saint-Étienne avant la nuit et, à 6 heures, à Bellegarde, je me décide d’aller attendre un train à Montrond ; je le regrette d’autant plus que, de ce fait, je rentrerai deux heures plus tard que je ne serais rentré par la route et que je ne me suis jamais senti en d’aussi bonnes dispositions pour négocier à bonne allure ces derniers 30 km. de route facile.
La bicyclette Ballon m’a tout le jour laissé l’impression que je me fatiguais moins et, bien que ce ne soit là qu’une raison de sentiment, comme disent les théoriciens, je la tiens pour valable, car le corps est assez bon juge du travail qu’on lui impose, surtout quand il s’agit d’un travail de longue durée où le confortable devient un facteur de plus en plus important à mesure que l’étape s’allonge. Quinze jours plus tard, le 3 avril, j’essayais de me rendre compte du rendement de mes ballons et je fis les 38 km. de Saint-Etienne à Feurs en 1 h. 33’, à peu près du 25 à l’heure. C’est un parcours que j’ai fait maintes fois avec des bicyclettes très différentes, et je n’ai fait mieux qu’avec un vent favorable. Un motocycliste qui me suivit à mon insu pendant quelques kilomètres avant Montrond pour me chronométrer, me dit que je marchais à ce moment à 32-33 km. à l’heure. Je m’en doutais, car ma cadence s’élevait souvent à celle du pas de charge (90 tours-minute) qui, avec développement de 6 m., donne 540 mètres à la minute et 32 km. 400 à l’heure. J’ai l’habitude, à défaut d’un métronome que je pourrais régler à tant de tours-minute qu’il me plairait et que j’ai vainement réclamé à plusieurs reprises, de fredonner un air de pas redoublé (60 t.-m.), auquel j’adapte mes pédalées. Je puis battre la mesure sur les deux pieds = 60 t.-m., sur le même pied = 120 t.-m, sur quatre pieds = 30 t.-m., et si je fredonne un air de pas de charge, ma cadence devient respectivement de 90 t.-m. de 180 t.-m. et de 45 t.-m. Inutile de dire que je ne suis jamais arrivé aux 180 t.-m., mais à la descente en roue serve avec 4 m., je n’en ai pas été loin parfois ; quant aux 120 t.-m., ils sont encore dans mes moyens pendant quelques minutes, même en palier avec développement convenable, c’est-à-dire correspondant à la résistance à la jante.
Toutes les expériences que j’ai faites avec ma bicyclette Ballon et qui s’étendent sur plus de mille kilomètres en y comprenant mes courses quotidiennes en ville, ont donc tourné à l’avantage des gros pneus souples et confirment ce que j’en ai dit dans le Cycliste en 1904 et 1905.
Je rends donc grâce à M. Aumon, qui a osé industrialiser un perfectionnement aussi important pour la bicyclette de tourisme et qui m’a permis de faire, cette année, mon excursion pascale dans des conditions de bien-être et de moindre fatigue que je n’osais plus espérer et qui m’ont rappelé mes randonnées d’avant guerre.
Mais cette tartine est déjà trop longue, et je garde le récit de mon excursion aux Baux pour le prochain Cycliste.
VÉLOCIO.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)