Par Jeanne C., Le Cycliste, 1891, rétrospective 1936
Et maintenant, allons faire visite chez nos bons confrères des quatre points cardinaux.
Le Véloce Sport raconte le voyage de MM. Allen et Sachtleben, dont j’ai déjà parlé ici, et donne des photogravures d’après des photographies de ces messieurs (j’ajouterai entre parenthèses, qu’on n’y voit pas grand chose).
Ces articles sont intitulés : Le Tour du Monde « à » Véloce.
Le Petit Journal annonce gravement que le monocycle a été inventé par M. Walter Gauthier, de Saint-Servan. Ce cycliste a eu sa célébrité, il y a quelques années en effet ; mais, à une époque, où il ne se souciait guère du véloce à une ou plusieurs roues, le monocycle avait déjà été trouvé, essayé et abandonné comme machine impraticable. Et, puisque je parle du monocycle, j’ajouterai que M. Gouget fait beaucoup parler de lui par son extraordinaire habileté à manier un appareil aussi peu stable.
La Revue du Sport Vélocipédique a étudié le cyclisme électrique, et conclut en disant que cette variété de notre sport n’est pas près d’être réalisable d’une manière pratique.
Un correspondant de cette même revue signale, à Chalons, une intrépide vélocewoman qui, quelque temps qu’il fasse, accomplit en tricycle une quinzaine de kilomètres une fois par semaine. Moi, qui suis si curieuse, je voudrais bien savoir ce qui fait sortir ma vaillante sœur... sportive.
Car il faut bien avoir du courage pour affronter le vent et la pluie sur une route détrempée ou couverte de neige. Cependant, trois voyageurs, dont une dame (vous voyez, messieurs, que nous faisons des progrès) ont parcouru à triplette à caoutchoucs creux, avec dix centimètres de neige sur la route, la distance qui sépare Pau de Dax. Autant que je l’ai pu voir sur la carte, il y a quelque peu de chemin à faire pour joindre ces deux villes et quelques coups de pédales à donner.
Le Cycliste et la Revue des Sports du Sud-Ouest ont ouvert une enquête sur les causes qui éloignent la femme du véloce. C’est de la perfidie pure ; ce qui nous retient loin du grand air et des promenades joyeuses, c’est le préjugé, le bête préjugé qui fait dire qu’il n’est pas séant à une dame de pédaler. Au lieu de faire des enquêtes qui ont pour nous un petit air de raillerie, donnez-moi la main, et aidez-moi à le renverser, le préjugé ridicule, notre seul ennemi ! Les velocewomen ont d’ailleurs un nouveau moyen de défense : la Revue Sportive du Sud-Ouest s’est assurée la collaboration de Mlle Mathilde des Rouvières, qui annonce bravement son intention de poursuivre ce but auquel nous tendons toutes : conquérir un peu de liberté et faire du véloce au même titre que messieurs les hommes.
Jeanne C.