Rétrodirecte
jeudi 9 mai 2024, par
« Je pratique assez fréquemment la rétrodirecte pour pouvoir me dire rétroïste moyen et j’ai remarqué que les muscles qui se fatiguent à rétropédaler sont les mêmes qui se fatiguent à contrepédaler à la descente sur une roue serve, exercice auquel je me livre assez souvent en hiver, de sorte que je n’éprouve jamais ce besoin de me remettre en forme et que je puis à n’importe quel moment faire une promenade d’une centaine de kilomètres en rétrodirecte sans courbature anormale. Car j’ai été, à ses débuts, un partisan convaincu, un emballé du répropédalage et le premier adepte du capitaine Perrache ; j’ai même encore dans mon musée une rétro à 3 vitesses, que je me fis construire en avril 1900, dès que le Cycliste publia les communications du capitaine, qui voyait dans le pédalage rétro et rien que rétro un perfectionnement extraordinaire. Grâce à un dispositif assez ingénieux, je pouvais par simple déplacement de la chaîne sur trois couples de pignons juxtaposés, pédaler tantôt en rétro, tantôt en direct, sur 4 m., 8 m. et 12 m. Je voulais comparer, toutes autres choses égales, le rétro et le direct, savoir jusqu’à quel point le rétropédalage augmentait la puissance du moteur humain. Je fis ainsi exclusivement en rétro des milliers de kilomètres, comme je fis quelques années plus tard des milliers de kilomètres en lévocyclette pour bien m’adapter à ces nouvelles méthodes de pédaler, et j’eus le regret de constater que je m’étais emballé à tort et que la vieille méthode restait toujours la meilleure, et de beaucoup. Néanmoins, je n’avais pas perdu mon temps et quand la deux vitesses en marche par rétrodirecte vit le jour, je pus m’en servir assez avantageusement pour que j’aie toujours du plaisir à récidiver, et je ne ne croirais pas bien malheureux si j’étais condamné à ne pédaler qu’avec une rétrodirecte ; toutes autres choses égales, je crois qu’à cinq ou dix pour cent près, j’en ferais tout autant qu’avec une bichaîne. On n’est pourtant pas obligé de donner toujours son maximum intégral à bicyclette, pas plus qu’on n’est forcé d’aller toujours au pas gymnastique ! »
vélocio, Les changements de vitesses, Le Cycliste, entre-deux-guerres