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Concours de bicyclettes de tourisme 1902 (Pyrénées)

Le but du concours de bicyclette de tourisme de 1902 était d’encourager les constructeurs à proposer une bicyclette de tourisme, "étudiée dans tous ses détails", qui permettent "le grand tourisme", "les longs voyages dans toutes les contrées et par tous les chemins".

L’utilisation de la roue libre qui exigeait de pouvoir s’arrêter en descente avait déjà donné le thème du premier concours du TCF, un concours de freins, l’année précédente à Chambéry. La roue libre avait aussi multiplié les systèmes de changements de vitesse, notamment en marche, utilisés par les cyclotouristes. Le concours de bicyclette de tourisme de 1902 fut donc principalement un concours de bicyclette polymultipliée (hormis 4 monovitesses).

Voici quelques unes des qualités recherchées par les organisateurs :

« La machine de tourisme est essentiellement caractérisée par les qualités suivantes énumérées dans l’article premier du Règlement :

Sécurité et moindre fatigue dans les descentes ;

Efforts toujours modérés dans les côtes ;

Pneumatiques résistants, confortables et étanches, faciles à gonfler, à démonter et à réparer ;

Réglage sûr, simple et rapide des diverses parties de la machine (roulements, tension de chaîne, frein, etc...) ;

Possibilité d’arrimer le paquetage en divers points. sans être gêné par les freins, tringles de commande, etc... ;

Faculté pour le touriste d’obtenir tel développement qu’il désire, sans que les conditions de construction cessent d’être rationnelles ;

Graissage facile soit à l’huile, soit à la graisse consistante ;

Collection d’outils très réduite quoique suffisante ; Poids total de la machine non excessif. »

L’épreuve dut être reporté du 17 au 18 août à cause de l’ouverture de la chasse et la tenue des courses hippique de Tarbes. Le capitaine Perrache doit aussi négocier avec un billet de 100 francs le report d’un jour la descente de 2000 moutons.

Le plombage et les examens techniques des machines ont lieu à l’atelier de construction militaire de Tarbes, avant et après l’épreuve, étalant la durée du concours du 16 au 24 août. Le démontage complet des machines et des tests de résistance mécanique étaient prévus.

Le parcours est exigeant : Tarbes, Lourdes, Tourmalet, Bagnères-de-Bigorre et Tarbes . 215 km et 4150 mètres d’élévation, avec deux ascensions du Tourmalet. Un changement de pilote est possible entre les deux tours.

Le 17 et 18 mai, MMPerrache, Bourlet, Dolin et Byasson se lancent dans sa reconnaissance. Le beau temps est au rendez-vous, mais les relevés des bornes, des pentes et des bifurcations ralentissent de beaucoup la progression. Après 50 km parcourus le matin, l’équipée s’arrête à Luz, où elle choisit de passer aussi la nuit. Le lendemain, le temps s’annonce mauvais. Perrache et Bourlet rebrousse chemin sans éviter la pluie au retour. Dolin et Byasson s’attaque au Tourmalet. Ils finissent l’ascension par de la marche dans la neige et le brouillard. Byasson laisse sa bicyclette à trois kilomètres du col et aide Dolin à porter la sienne, munie de huit kilogs de bagage. Byasson revient à sa machine et s’en retourne. Dolin continue seul sur l’autre versant, sans négliger son travail de relevés. La neige fondue et la pluie le font rentrer le soir couvert de boue, ruisselant, en pantoufles. Ses souliers n’étaient plus utilisables après les avoir quittés dans l’établissement où il s’était restauré le midi. Seuls ses notes et ses carnets reviennent secs. Cette mésaventure précède celle de Steinès en 1910.

Il y a avait encore de la neige fin juillet.

Revue Tcf Août 1902

48 montures de 24 marques étaient préalablement inscrites. 42 montures prennent le départ, 29 finissent le parcours en entier. Les marques présentes sont aussi bien des grosses maisons industrielles que de petits constructeurs : Clément, G. Richard, Gladiator, Terrot, Hirondelle, de Vivie, Magnat et Debon, Guinard, Hurtu, Darrigade, Peugeot, La française, Automoto, Guinard... Coureurs professionnels et cyclotouristes amateurs se côtoient comme pilotes..
Les bicyclettes et les systèmes de changements de vitesse sont variés : vitesses par engrenage au moyeu ou au pédalier, bichaînes, vitesses juxtaposées ou superposées, rétrodirectes, transmission acatène, même une lévocyclette.
Le poids des bicyclettes va de 13 à 22kg, plus souvent autour de 16-17 kilogs, ce qui pour des bicyclettes de tourisme équipées de garde-boue, de trompe, de trousse à outil, etc n’est pas excessif. La facilité d’entretien et de démontage en route est prise en compte. La marche est notée, mais non-pénalisée. Elle sera utilisée par les coureurs munies de bicyclette légère à gros développements. Le vainqueur Müller marche ainsi 11, 700 km et son rival Fisher 5, 650 km.

La taille des roues est de 700 mm, sauf deux montures en 650mm. 5 montures ont des jantes en bois et aluminium, les autres sont en acier. Le diamètre des pneus va de 32 à 44 mm. Du liquide hermétique a été utilisé dans certaines chambre à air pour prévenir les crevaisons. Aucun pneu increvable n’est présent.

Le jour de l’épreuve, Dolin monte au Tourmalet en rétrodirecte comme contrôleur. Ce système de changement de vitesse encouragé par le Capitaine Perrache depuis 1901 est une nouveauté attendue sur le concours. Quatre machines étaient inscrites, seules deux machines participent finalement à l’épreuve, avec deux systèmes différents : Hirondelle et Magnat Debon. Féasson proche de l’école stéphanoise cherche à en démontrer les mérites sur l’Hirondelle.

Vélocio est venu à bicyclette avec des amis, en passant par Mende, Rodez, Montauban, Hendaye et des cols pyrénéens. S’ils sont une demi-douzaine à avoir fait le trajet avec lui, il a inscrit trois machines. Sur la bichaîne trois vitesses, une femme, Marthe Hesse, a remplacé au pied levé un cycliste stéphanois défectueux. Elle monte le Tourmalet avec un petit développement de 2,75m, accompagnée de Vélocio, laissant trois coureurs professionnels derrière elle. Terrot et d’autres marques s’en inspireront pour des affiches. Elle n’a mis pied à terre qu’une centaine de mètres, faisant ainsi partie des rares cyclistes ayant fait l’ascension complète à bicyclette. Comme les autres membres de l’école stéphanoises venus en touriste, elle se contente d’une seule ascension.

Parmi les cyclotouristes stéphanois, Viviant et Féasson arrivent tout de même 5e et 14e (12 h. 24 et 15 h.30 pour les deux tours), engagés sur les Hirondelles. À noter que la manufacture stéphanoise est la seule a s’être intéressée à l’adaptation des paquetages à ses machines et à la possibilité de démontage et remontage complet de la bicyclette avec le jeux des deux clefs fourni aux clients.
Alors que les coureurs finissent épuisés, titubants, ces deux touristes arrivent relativement frais tout en ayant fait presque en entier le parcours à bicyclette. Ils ont marché seulement 2km200 et 4km 800 lors de la deuxième ascension, rendue plus difficile par la forte chaleur de l’après-midi. Au contraire, des coureurs ont pu marcher jusqu’à 20 km sur l’ensemble du parcours. Viviant demande même à faire une troisième montée du Tourmalet.

Du côté des coureurs, Fischer, Aucouturier, Hyppolite "Vendredi" Figaro, Wattelier, le vainqueur de Bordeaux - Paris sont présents, employés par les grandes maisons. Peu habitués à la haute montagne, ils passent là bien avant le tour de France qui franchira le Tourmalet seulement en 1910.
Ils s’arrêtent en coup de vent aux ravitaillements contrairement aux cyclotouristes qui prennent de 15 à 30 minutes pour se restaurer au buffet et emporter des provisions de route. Les meilleurs grimpeurs prennent les premières place. Le vainqueur, Müller, sur une bicyclette Clément à 2 vitesses, déclare : "Je suis enchanté de ma course je considère cette épreuve comme la plus terrible de toutes celles auxquelles j’ai pris part, c’est-à-dire Marseille-Paris, Paris-Brest et retour, Bordeaux-Paris, enfin le record Paris-Madrid dont je suis détenteur.
La route est très bonne comme sol, mais terriblement accidentée, et nombreux ont été ceux qui, à la fin du premier tour étaient déjà au bout de leurs forces. "

Il a été vu suivant une motocyclette. Son concurrent Fisher sur une monovitesse B.S.A. a lui pu suivre une voiture qui lui ouvrait la voie ! Il perd son duel de tête sur une crevaison dans la dernière descente. Son unique développement de 4,40m était le plus impropre à faire du tourisme alors qu’il avait mené toute la course. Des rumeurs de disqualification pour entraînement des deux coureurs furent écartées par la commission.
Wattelier qui abandonna après le premier tour déclara préférer faire plusieurs fois la course de Bordeaux-Paris que de recommencer l’ascension du Tourmalet.

Si les coureurs se comportent comme en course, c’est que des primes en argent ont été établies pour les faire pousser autant qu’ils pouvaient et soumette les mécanismes à rudes épreuves. Comme conséquence, l’ambiance du concours s’est éloignée de celle du tourisme, à la surprise du public : « Si c’est là ce qu’on appelle du tourisme, ce n’est franchement pas ce que nous avions rêvé. »

La médaille d’or est attribué à la bichaine 4 vitesses de la maison Terrot.