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Illustrations et narrations graphiques

Un travelling arrière épuré avec des lignes claires et une quasi absence de décor (il tient en une ligne)
Francis Garat, La Bicyclette, 1893

Le boom de la bicyclette et celui de la presse sont simultanés à la fin du 19e siècle, portés par des progrès techniques (pneumatique, électricité, rotative, linotype...) des débuts de la seconde révolution industrielle, et sociaux en France (liberté de la presse, accroissement du lectorat par l’instruction primaire obligatoire). La presse lance les premières grandes courses sur route à la suite du Paris Brest Paris organisé par le journaliste Pierre Giffard du Petit Journal. Paris, capitale des arts, est alors une ville d’apprentissage, d’exposition et de production artistique. De nombreux artistes sont à la fois peintres, affichistes, illustrateurs, graveurs sur bois, beaucoup font partie de la bohème de Montmartre. Lorsque la mode vélocipédique fait rage dans les classes aisées de la capitale, de 1891 à 1897-98, Le Cycle et La Bicyclette particulièrement font appel à de nombreux dessinateurs. Ces hebdomadaires sont inspirés par des revues étrangères comme Cycling ou Radfahr-Humor, dont ils partagent des dessins, plus encore que par le vétéran Vélocipède Illustrée de Richard et Juana Lesclide ou l’éphémère Illustration vélocipédique. La presse illustrée d’humour est alors le lieu où s’essayent des formes de narration graphique, avec une plus grande liberté de mise en page et de découpage que dans les classiques images d’Épinal. Le vélocipède puis la bicyclette y sont des sujets fréquents, avatar du progrès technique à l’équilibre fragile (dans les Fliegende Blätter, Punch, Charivari, Le Rire...). Les journaux parisiens spécialisés « fin de cycle » bénéficient de cette créativité avec de nombreuses signatures : Verbeck, Rabier, O’Galop, Vallet, Zier, de la Nézière, Fernel, Lunel, Loevy, Jules Depaquit, Georges Delaw, Francis Garrat, Falco, Guydo, M. Radiguet, G. Ri... Les dessins sont utilisés en couverture, en reportage, pour des chansons, des caricatures, des portraits ou des mondanités, les entêtes de rubriques, des fantaisies, des illustrations de nouvelles et enfin des histoires imagées/bandes dessinées. La bicyclette donne alors son élan aux cases et aux multiples chutes des planches.
Archives du 19e siècle, ces journaux traitant de la bicyclette n’échappent pas aux mœurs, représentations, idéologies, stéréotypes et actualités de cette période (guerres coloniales du Dahomey et de Madagascar, attentats anarchistes et lois scélérates, montée de l’antisémitisme et débuts de l’affaire Dreyfus...).