PLAIDOYER EN FAVEUR DUDALAGE HORIZONTAL (1935)

vendredi 26 janvier 2024, par velovi

En abordant un sujet aussi considérable dans le monde du cyclotourisme, que celui du Concours des Alpes, je me propose d’abord de renseigner les camarades intéressés par la participation à ce concours des nouvelles bicyclettes à pédalage horizontal, sur les conditions dans lesquelles ces machines et leurs pilotes, réalisèrent la tâche qui leur était assignée.

Je tâcherai, par la même occasion, de donner un aperçu des diverses péripéties de la compétition, qui ne sortirent pas du champ de mes investigations personnelles, afin de ne pas marcher sur les brisées des reporters officiels.

Avant de schématiser, en quelque sorte, la physionomie des étapes, je crois nécessaire de rappeler comment la cotation poids du Concours des Alpes, plaçait les deux machines horizontales : Véloriz Ravat et Wonder, dans un tel état d’infériorité à l’égard des autres concurrents, qu’il n’était pas possible à leurs pilotes de lutter efficacement pour un classement honorable et en relation avec leurs performances éventuelles.

En effet, le Véloriz Ravat (n° 35), du poids de 15 kg. 510, recevait, à l’examen technique, 188 points de pénalisation. Le Véloriz Wonder n° 36 était grevé de 147 points. En conséquence, l’écart avec les 30 premières machines normales, au départ, étant de l’ordre de 70 à 80 points minima, il est facile de se rendre compte que, même si les pilotes des Véloriz avaient accompli la moyenne la plus élevée, les 24 points de bonification ainsi obtenus n’étaient susceptibles d’amener aucune modification au classement final du n° 35 et permettait seulement l’espoir problématique du gain d’une ou deux places au Véloriz 36, en cas de pénalisations encourues par les machines normales les plus lourdes.

En fait, je constate, en écrivant ces lignes, que, par suite d’une erreur inexplicable, le Véloriz Wonder, qui termina le Concours sans aucune pénalisation mécanique, reçut 20 points de plus qu’il n’aurait dû, ce qui l’empêcha d’occuper la 30° place. Préjudice minime, comme vous voyez, mais que je suppose démontré de la sorte :

Décompte des points négatifs Poids 14 kg. 650 140 points ; moyenne 16 km. 050 = 5 points. Total : 145 points.

Décompte des points positifs dérailleur au pédalier 8 points ; dispositif permettant le changement de rayons 5 points. Total : 13 points.

Soit un bilan total de 14513 132 points, au lieu des 152 annoncés au classement général pour la 31 place (1). [1]

Ayant exposé, dans un article précédent, pour quelles raisons principales je trouvais néfaste la cotation poids des concours en général, et de celui des Alpes en particulier, l’exemple des Véloriz me procure un nouvel argument.

Car le fait de mettre, en quelque sorte, hors compétition des machines nouvelles, par suite de l’attribution d’un handicap insurmontable, me parait tout à fait contraire à l’esprit de progrès qui doit présider, au premier chef, à l’élaboration d’un règlement.

Le jury du T.C.F., au Concours des Pyrénées 1934, avait fort bien admis cette nécessité, puisque, par des points de bonification attribués à l’idée nouvelle représentée par le vélocar de 20 kilogs, il permit à celui-ci d’occuper, à l’issue du Concours, une place logiquement acquise par la performance athlétique de son pilote et celle technique de la machine.

Ceci dit, le lecteur n’aura aucune peine à comprendre que, bien pénétrés par l’idée de l’inanité de leurs efforts et l’unique souci de considérer la seule moyenne éliminatoire au long de l’épreuve, les deux pilotes des machines horizontales, avaient adoptée, au départ, la résolution de faire une manifestation d’ensemble et de régularité, suivant un tableau de marche établi sur la base de 15 kilo mètres. Moyenne suffisante pour pallier aux incidents de route éventuels.

En réalité, H. Martin, pilote du Véloriz 35, se laissant, comme il était à prévoir, entraîner par son esprit combatif, fit, à mainte reprises, des incursions magistrales... autant qu’improductives, dans le clan des as de la compétition. Par contre, le signataire de ces lignes, débutant du pédalage horizontal en montagne, et partant avec quel que appréhension des difficultés à surmonter, suivit sensiblement le programme qu’il s’était tracé, sans se laisser influencer aucunement par les fluctuations diverses de sa position dans la course. Ce programme mené à bonne fin, il lui est permis de dire que, si ses appréhensions étaient vaines, tout au moins les difficultés furent réelles.

Et maintenant, voici quelques notes relevées au jour le jour pour situer l’atmosphère du Critérium.

1° ÉTAPE 143 kilomètres. 3.200 mètres d’élévation. Cinq cols à franchir.

Beau temps frais, départ rapide des 51 machines sur les 15 kilomètres de plat précédant Voreppe. Le train vif a quelque peu essoufflé les vétérans et la montée du col de la Placette accentue les écarts. H. Martin, un moment attardé, revient fort bien sur de nombreux concurrents et moulinant en souplesse un petit braquet (M. Quentin, voilez-vous in face ...), il passe sans vergogne son coéquipier, oubliant en même temps ses résolutions les plus solennelles.

Je monte à ma main, me complaisant momentanément en compagnie de Barra, R. Léger, Acher, et, constatant en même temps avec satisfaction, comme je le ferai maintes fois par la suite, que de nombreux pilotes de machines normales doivent s’employer sérieusement pour suivre ma cadence en côte, pourtant, la plupart du temps, volontairement modérée.

Descente facile, verdoyante et prolongée sur Saint-Laurent-du-Pont, Ici, le Véloriz 36 se mue automatiquement en entraîneur, au seul profit des petit gabarits. Après les Echelles, quelques rudes bosses, dans un paysage de Normandie, ne m’empêchent pas d’être à Novalaise (contrôle), en avance de 1 h. 20 sur mes prévisions. Tout va bien. Magnifique mais difficile montée du col de l’Épine, dans lequel, déjà, commencent à se révéler des situations précaires. Un redoutable passage en gravillon frais goudronné, nous distrait de la contemplation du panorama qui s’offre sur le lac d’Aiguebelette. Au sommet, grande émulation entre photographes officiels et officieux.

Plongée sur Chambéry (contrôle), passé à 13 heures. Le Véloriz Ravat me devance de 25 minutes. Interminable montée du col du Granier (1.164 mètres) avec son tunnel-duperie, à la sortie du quel, la rampe se poursuivant désespérément, je vous fais juge du dialogue suivant : Le pilote 36 : C’est encore loin le sommet du col ? Un excursionniste : Oh ! non, six kilomètres... Le pilote 36 : !!!

La descente se complique d’un froid vif. A la sortie de Saint-Pierre-d’Entremont, il faut réattaquer sans répit le col de Cucheron. Je commence à trouver cette première étape laborieuse, et, si j’en juge au nombre de machines à gros numéros qui stationnent devant les portes des moindres an berges rencontrées sur le chemin, je ne suis pas le seul dans ce cas. Dans la descente sur Saint-Pierre- de-Chartreuse, je rejoins le pilote n 48. M. Michaud, qui, comme moi, grelotte littéralement, nous absorbons un ravitaillement chaud avant d’entreprendre l’ultime obstacle de la journée, col de Porte (1.350 mètres).

Des nouvelles de H. Martin, apportées par une estafette motocycliste et bénévole, et suivant les quelles mon coéquipier ralentit, m’attendant, me donnent presque des ailes. Effectivement, au sommet de la dernière grimpette de 9 kilomètres, je rejoins mon camarade, lequel, franchissant aussitôt le cercle habituel des curieux et des badauds qui entourèrent les Véloriz jusqu’au sommet des plus hautes montagnes, dévale comme un bolide vers la vallée de l’Isère, qu’à mon tour j’aperçois bientôt.

Le vieux et accueillant gymnase est atteint à 17 h. 59, Moyenne 15 km. 880. Contrôle fermé à 19 h. 25 sur 9 éliminés. La majeure partie de ce déchet, qui s’augmentera le lendemain matin d’une unité ne prenant pas le de part, est occasionnée par l’excessive dureté de cette première étape relativement à la moyenne éliminatoire de 14 kilomètres.

2° ÉTAPE 195 kilom., 3.300 mètres d’élévation à franchir par côtes ou cols.

Départ matinal, 6 heures. Une légère brume promet la chaleur. La côte de Saint-Nizier, au pourcentage terrible presque dès le départ, occasionne. à son sommet, des écarts extraordinaires : 1 heure entre le leader et la lanterne rouge, après 17 kilomètres seulement, Cyclo-Sport dixit. J’ai renoué avec C. Barétaud, la tradition des Pyrénées, ce pendant que Martin, qui a grimpé d’une façon assez remarquable pour avoir droit au communiqué officiel journalistique, nous précède, à Saint-Nizier, de 15 minutes.

Après Villard-de-Lans (contrôle) commencent les impressionnantes et même saisissantes gorges de la Bourne, car il règne une fraîcheur de cave. Remontée sur Saint-Julien-en-Vercors par une méchante rampe au sol affreux. Le soleil se montre déjà chaud. A la bifurcation de l’I.C. 3 et de la N. 518, une équipe Alcyon nous croise, revenant à grande allure vers le Pont-de-la-Goule-Noire, après une excursion involontaire à Pont-en-Royans. Il faut toute l’assurance de Barétaud, carte en mains, pour remettre ces obstinés sur le bon itinéraire.

La montée du col du Rousset (1.235 mètres), facile et ombragée partiellement, révèle cependant maints éclopés. Tunnel superbe et bien éclairé, de 500 mètres de long, à la sortie duquel se déploie un formidable limaçon (voyez Michelin 77). Glissade vertigineuse et parfumée de lavande vers Die. A l’entrée de cette ville, Martin et Pitard qui repartent, nous rappellent que l’heure est propice à un déjeuner réconfortant. Nous sacrifions à cette opération 25 minutes, que la clairette de Die nous aidera à récupérer Cette clairette de Die, je vous la recommande, elle seule justifie le relais.... Départ à 12 h. 25. Retard sur l’horaire prévu : 10 minutes. Chaleur le long de la Drôme et du Bez devant la montagne Glandasse, qui domine la vallée. Châtillon-en-Diois (contrôle). Les officiels paraissent s’inquiéter du grand nombre de retardataires. D’où nous déduisons que notre situation n’est pas mauvaise. Col de Menée (1.466 mètres), raviné, désertique, interminable : 17 kilomètres. Enfin, descente sur une épaisse couche de gravier, ensuite s’améliorant jusqu’à permettre de grandes vitesses. C’est là que Martin fit, à l’usage des reporters officiels, une démonstration concluante de la maniabilité du Véloriz 36 et de la virtuosité de son pilote. Abandonnant d’ailleurs, par le même coup, Pitard, qui finit cependant détaché, devant un peloton composé, dans la montée du col du Fau, dernière estocade, par Barétaud, Panel, Mazeyrat, oh, pardon... c’est de Gentil qu’il s’agit, du Véloriz Wonder et d’un camarade anonyme qui est venu pendant trois étapes, assister, en fin de parcours et très sympathiquement, aux évolutions de la ma chine horizontale n° 36.

Traversée en trombe de Monestier-de-Clermont, Vif. La moyenne remonte sérieusement. Pont-de- Claix, voie triomphale de 8 kilomètres. Unique dans mes annales. Quel dommage d’être fatigué au point de la trouver monotone et fastidieuse. Vérification ultime de la mécanique avant la barrière, et arrivée simultanée au pare, à 17 h. 55, Moyenne : 16 km. 360. Contrôle fermé à 20 heures sur 5 éliminations ou abandons. Etape presque aussi dure que celle de la veille, à cause de la dis tance et de la chaleur.

3° ÉTAPE 152 kilomètres. 2.100 mètres d’élévation. Grenoble-Saint-Jean-de-Maurienne

Le départ de cette étape est donné à 7 heures, sous le signe de l’optimisme général. La perspective d’une journée moins dure que les précédentes réjouit tous les rescapés, hormis peut-être les terribles pourfendeurs qui ne rêvent que plaies et bosses....

Effectivement, les quelques 90 kilomètres de plat qui nous séparent du pied du Glandon, vont permettre une sérieuse avance sur la moyenne générale. Dès le signal, la bagarre commence, Gières est à peine atteint que deux ou trois groupes sont déjà formés. Le Véloriz Ravat participe à la fugue du premier, pendant qu’un deuxième peloton, composé de Pitard, Darchieux, Barétaud, Husson et le Véloriz 36, se montre résolument compact et homogène jusqu’à La Chambre-Saint-Avre.

A Goncelin, la montée sur Le Cheylas permet un superbe coup d’œil sur la vallée du Grésivaudan, remarquablement fertile et verdoyante. Comme les massifs montagneux qui la bordent n’ont pas de secret pour G. Darchieux, resté dans mon sillage, je profite de cette circonstance pour augmenter ma documentation orale et visuelle sur cette admirable région.

Le contrôle d’Allevard est ainsi atteint à 8 h. 45. Ça n’a pas mal marché. Route superbe et sans histoire, jusqu’au virage de Bourgneuf, puis, le long de l’Are, aux eaux bouillonnantes et troubles, par la N. 6, nous recommençons à prendre un peu d’altitude. A La Chambre-Saint-Avre, dislocation générale. Les uns attaquant sans répit la montée du col, les autres, dont je suis, se ravitaillant en commençant par un substantiel casse-croûte.

A 10 h. 50, ces opérations étant terminées, reprise des hostilités envers la montagne, qu’il s’agit d’aller franchir quelques 1.600 mètres plus haut et 25 kilomètres plus loin. Tout cela en pensant que nous ne sommes qu’à 10 kilomètres de Saint-Jean-de-Maurienne, notre but final. Dès Saint-Etienne-de-Guines, 460 mètres, la route s’élève rudement dans l’étroite gorge du torrentueux Glandon. A Saint-Colomban, la terrasse ombragée d’un restaurant a séduit pas mal d’officiels et même de concurrents, car je dénombre curieusement au passage les machines n 39, 40. 41. N’ayant pas le n° 42, je poursuis mon ascension, me souciant uniquement des points d’eau, assez fréquents d’ailleurs.

Les derniers et formidables lacets, abordés sous un soleil de plus en plus ardent, me restituent 2 ou 3 prédécesseurs, dont le vétéran G. Landrieux, qui, aujourd’hui, peine visiblement. Ce qui ne l’empêchera pus de faire des étincelles dans l’étape du Galibier... Ah ! ces vieux champions...

J’atteins le col (1.950 mètres), à 14 h. 10, apprenant que H. Martin m’y a précédé de près de 40 minutes. Le massif du Mont-Blanc se profile à l’horizon, mais le col de La Croix-de-Fer (2.062 mètres) m’attend 2 km. 500 plus loin. Ces 100 mètres d’élévation supplémentaires ne sont plus qu’une petite formalité.

Avant de plonger sur la vallée de la Maurienne, examen attentif de la mécanique, principalement des freins. Puis descente, étroite et périlleuse au départ et s’améliorant rapidement ensuite jusqu’à faire oublier qu’on est en haute montagne, ne se rait-ce la perspective, sur la droite, du gouffre dans lequel coule vraisemblablement l’Arve.

Après les cinq tunnels et le fameux passage en goudronnage, dont Véron, Barétaud, Marmounier et tous autres, remportèrent des souvenirs cuisants, la route remonte, à ma grande stupéfaction, jusqu’aux quatre derniers kilomètres précédant Saint-Jean-de-Maurienne.

Enfin, voici quand même la descente finale qui aboutit à la superbe Salle des Fêtes, où m’accueillent aimablement fonctionnaires bénévoles et officiels à 16 h. 05 : Moyenne 16 km. 730. Contrôle fermé à 17 h. 35 sur 3 nouveaux éliminés.

4° ÉТАРЕ 153 kilom., 2.900 mètres d’élévation Saint-Jean-de-Maurienne-Grenoble.

A 5 heures, réveil laborieux, conséquence de la réception chaleureuse de la veille, ayant elle même retardé le dîner chez Lucullus, suivi de la visite habituelle au Parc-Exposition, où les dissertations agréables de L. Clairet, M. Cherva et H. Martin, prolongèrent la soirée jusqu’à 23 heures. Beau temps plus que jamais. Inévitable départ en trombe à 6 heures, des 34 survivants de l’hécatombe. Après 14 kilomètres de faux-plat, voici la vraie montée du Télégraphe. Je la trouve facile, tellement le site est riant et paisible au début, puis grandiose et émouvant ensuite. J’atteins le tunnel a 8 h. 05, devant Martin, qui s’est arrêté dans la vallée pour peu de chose, et Pitard, qui vient de réparer une crevaison. Un cyclotouriste, faisant prés de moi le Galibier en dilettante, me recommande, à Valloires, un hôtel à panonceaux flatteurs où je me ferais proprement fusiller 15 minutes plus tard, Payant 12 francs pour une omelette de trois œufs, un bol de lait et une bouteille d’eau minérale...

J’attends mon coéquipier afin de lui épargner pareil mécompte et le dirige vers des lieux plus hospitaliers, au grand dam des mercantis confondus.

Cette bonne action accomplie, j’entreprends, à 8 h. 35, le cœur léger, l’attaque du Galibier, épouvantail du Critérium des Alpes. Mon compagnon provisoire m’emboîte fidèlement le pas. A la sortie de Valloire, un torrent, actuellement à sec, a roulé ses galets et ses roches sur le chemin, le spectacle est titanesque. La pente est déjà sévère. Pittoresque digression fournie par les curieux costumes aux vives couleurs des montagnards qui se hâtent vers l’église pour l’office du dimanche. Passé les Verneys, la route est nue sous le soleil implacable. Plan-Lachat est atteint et ça monte toujours. Les lacets photogéniques, à l’usage des reporters du Tour de France, sont là qui nous guettent. Leur réputation n’est pas surfaite, il y a vraiment des passages entre 14 et 18% qu’il faut enlever à l’arraché, et je suis tout heureux que mon Cyclo-Le Chat, me permette 3 m. 50 pour remorquer mes quelques 18 kilogs de machine et bagages.

Une grange, à quatre kilomètres du sommet, offre la tentation d’un bol de lait frais tiré. Mon compagnon de route, que ne persécute pas la moyenne éliminatoire, s’attarde sur le banc rustique et je repars à la conquête des cimes, sur la trace de Panel et Véron, qui viennent de passer. An loin, vers Plan-Lachat, trois laborieuses fourmis peuvent bien être Pitard, Martin et le tandem Narcisse, dépassé à Valloire. Enfin, le sommet (2.638 mètres) et son affreux tunnel, glissant, dérapant, bringueballant, je chemine dans une obscurité qui me semble opaque, malgré mon phare, tellement le contraste est violent en quittant l’éclatante lumière extérieure.

Contrôle de la sortie atteint à 10 h. 55. Innommable descente de 6 kilomètres, digne d’Aubisque 1934, jusqu’à la route du Lautaret. Sur le bord du talus, je ne sais quel concurrent répare une avarie, dont, préoccupé par les fondrières de l’infernal passage, je ne puis discerner la nature.

Col du Lautaret (2.058 mètres). Un groupe de touristes grenoblois me salue à grands cris. Au premier plan, M. Bridier, notre sympathique hôte de la Pension du Moucherotte. Tout cet aréopage, consulté au vol, m’assure que c’est bien le massif de la Melje qui s’offre majestueusement à mes yeux. Je dis mentalement adieu aux neiges éternelles, car la descente de 30 kilomètres commence aussitôt.

Cette fois, c’est du billard, je mets toute la sauce, distançant sans rémission de nombreux cyclotouristes éberlués. Ce qui ne m’empêche pas d’admirer, à gauche, la cascade de la Meije, puis, à droite, celle de La Pisse, qui, tombant d’une hauteur vertigineuse, envoie des embruns jusque sur la route.

Au barrage de La Romanche, appelé aussi Lac du Chambon (voir Cycliste, juillet 1935), mon cher vieux camarade de fin d’étape m’apporte le réconfort de sa présence et d’une canette qui n’attendait que moi. Après un coup d’œil sur le gigantesque mur qui barre la vallée, nous franchissons le tunnel de l’Infernet, entraînant avec nous un cyclotouriste grenoblois qui rengaine précipitamment son appareil photo pour compléter sa documentation par une expérience visuelle des aptitudes du Véloriz.

Bourg-d’Oisans est franchi à toute allure, en dépit du vent violent qui remonte la vallée. Et voici Séchilienne (390 m.), qui recèle Panel, Véron ainsi que Teil et Barétaud... comme on se retrouve. Avec ces deux derniers qui repartent, je franchirai l’ultime obstacle de l’épreuve, la côte de Laffrey. C’est presque le renouvellement de l’affaire de Saint-Nizier. Heureusement qu’une forêt couvre les méandres de la route, dont le sol est franchement mauvais au début, mais s’améliore ensuite ainsi que le pourcentage, au point de me permettre le grand braquet de 3 m. 50. Quel trou au-dessous de nous en émergeant du bois, et quel merveilleux spectacle que cette vallée de la Romanche, dominée de 5 à 600 mètres. Un dernier virage en plein soleil et on aperçoit Laffrey (910 mètres), espoir suprême et suprême pensée...

Contrôle de Laffrey à 15 h. 05, suivi du déboulé extraordinaire sur Vizille d’un groupe imposant qui comprend toujours 3 concurrents, et, bientôt, 5 ou 6 accompagnateurs divers. Uriage, contrôle, 15 h. 35 : Descente splendide, la plus belle de tout le parcours sûrement... Et entrée bientôt, à Grenoble, précédée de la visite normale des machines. Sous la conduite diligente de notre guide de dernière heure, nous atteignons le parc du Gymnase à 16 h. 04. Moyenne 15 km. 200. H. Martin arrive avec le tandem Narcisse, 10 minutes plus tard.

La fermeture du contrôle amène une dernière élimination et les opérations du jury commencées immédiatement ne portèrent que sur 33 machines, soit une déchet total de 18 éliminés

CONCLUSION RELATIVE A LA MACHINE HORIZONTALE

Après un usage quelque peu immodéré de la bicyclette horizontale, il me reste à dresser le bilan de mes impressions pour établir la juste démarcation de ses possibilités et de ses aptitudes, Contrairement à l’impression procurée par un essai superficiel, je crois très sincèrement que le Véloriz Ravat-Wonder peut rivaliser avantageusement avec la machine de cyclotourisme normale du poids de 12 à 14 kilogs. Je dois dire aussi qu’il faut pour cela une certaine adaptation musculaire qui permet d’obtenir le rendement maximum de l’engin, par la possibilité de pousser sans fatigue de très grands développements, ou de tourner en souplesse les petits braquets.

Dans les deux premières étapes du Critérium, où je ne possédais pas cette adaptation, je dus m’accrocher sérieusement le premier jour pour réaliser mes 15 km. 880 de moyenne. Je n’étais pas le seul dans ce cas, il est vrai. En outre, mon entraînement préalable à l’épreuve n’avait pas de passé 200 km., en y comprenant le galop d’essai du col des Grands-Bois. (Le tout sur machine normale)

La deuxième journée fut cependant meilleure, quoique pénible sur la fin. Mais le coup de pédale était plus facile dans l’ensemble.

Et enfin, les deux derniers jours, rassuré sur l’issue de l’entreprise et muni de la cadence parfaite, je fis davantage du cyclotourisme que de la compétition. Qu’il me soit permis de signaler aussi que, dans toutes les étapes, il y eut des concurrents derrière moi et que je fus mêlé avec des for tunes diverses, à des éléments dont le contact était particulièrement honorable pour le pilote du Véloriz Wonder. J’en appelle au témoignage des coriaces Panel et Pitard, des valeureux Genty et Barétaud, ainsi qu’à mon maître lui-même. J’ai nommé H. Martin, qui ne me reprit pas une seule minute dans la dernière étape depuis Valloire.

L’arrière de la machine n° 13, gagnante du Critérium Cyclotouristique des Alpes 1936.

Il m’est agréable de reconnaître que je fus admirablement servi par la mécanique, Le Cyclo 4 vitesses pour la roue libre de 14-17-19-26, et Le Chat pour le couple au pédalier de 46-30, fonctionnèrent sur la route aussi bien qu’au laboratoire. Les extra-souples Barreau ne percèrent pas une seule fois au long des 650 kilomètres de montagne. Ce doit être presque un record. Enfin, la chaîne résista fort bien à des efforts exceptionnels, dus à l’appui dorsal. Tout ce qui concerne le reste de ma machine était d’usinage Ravat-Wonder, je n’ai pas besoin d’insister, tous les connaisseurs auront compris.

Il est bien évident que le fait de terminer un parcours pareil dans une moyenne largement suffisante, et sans pénalisation mécanique, est déjà un résultat appréciable, qui a dû modifier bien des préventions injustifiées, lesquelles feront place à des adhésions de principe, lorsque, pour terminer. je dirai que, contrairement à ce qui m’advint l’année dernière, où le Concours des Pyrénées me dégoûta du vélo pour le reste de la saison, cette année, après une épreuve qui, de l’avis des plus qualifiés, fut plus dure que la précédente, je n’ai éprouvé aucune fatigue anormale.

Ai-je tort d’attribuer ce résultat au Veloriz Wonder...?

G. SOUNALET (4 septembre 1935).

Le Cycliste


[1(1). N. D. L. R. Nous laissons évidemment à M. Sounalet l’entière responsabilité de sa rectification, qu’il aurait sans doute été préférable d’adresser directement aux organisateurs.

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