Ballon n°2

jeudi 18 avril 2024, par velovi

RANDONNÉE PASCALE, 1928

«  Puisque je suis condamné à randonner, me dis-je, randonnons et rentrons par la route  ; ce me sera l’occasion de soumettre à plus rude épreuve ma bicyclette Ballon n° 2 dont c’était le premier long voyage. Ma Ballon n° 1 est mon Aumon qui, depuis février 1927, a mis a son actif, d’abord en mono, puis en flottante, ensuite en dérailleur, plus de 9.000 km. Je me suis fait construire pour cette année une Gauloise à pédalier très bas, arrière court, cadre ouvert qui en permet l’accès aux dames, aux ecclésiastiques et surtout aux cyclistes âgés qui aiment pouvoir s’arrêter sans quitter la selle et se dégager rapidement  ; au lieu du col de cygne simple ou double qui caractérise les bicyclettes de dame, j’ai repris le dispositif des Gauloises de dame d’il y a vingt-cinq et trente ans dont je retrouve quelques squelettes dans mon grenier et auquel les Anglais sont venus l’an dernier  ; les tubes cintrés sont remplacés par deux tubes droits parallèles qui rendent un cadre ouvert à peu près aussi rigide que le cadre actuel des bicyclettes d’hommes. Ma Ballon no 2 est trixée  : 6 m. 60, 5 m. et 3 m. 30, par flottante, elle a des ballons façon main, demi-couverts, de luxe, sur jantes acier de 650 C. Elle pèse, avec ses larges garde-boue, ses deux freins Roc, une vulgaire selle 4 fils qui est pour moi la meilleure selle du monde, ses pédales à scie, larges, pour recevoir les semelles débordantes de mes sandales, son guidon Trial et sa pompe, juste 15 kg.
Je l’avais mise au point par quelques sorties préalables et, la veille du départ, Mme Masson m’ayant fait, comme il y a deux ans, la bonne surprise de venir de Paris à l’improviste, prendre part à notre excursion pascale avec deux de ses camarades du club des Audax, nous allâmes l’après-midi à Rochetaillée, et ma Ballon n° 2 termina là ses cent premiers kilomètres. Les montures de mes trois compagnons, qu’un incident malencontreux retarda tellement le lendemain que je ne pus les avoir un seul instant à mes côtés, différaient essentiellement de la mienne. Mme Masson elle-même, que j’avais vue munie pour donner l’assaut, et avec quel brio, au Ventoux, d’un dérailleur à six vitesses, ne montait cette année qu’un poly primitive à retournement de roue, la machine à la mode sans doute à Paris, que j’aurais aimé pouvoir juger à l’œuvre le lendemain. J’ai donc doublement regretté qu’une fatigue stomacale d’un des leurs ait empêché ce trio de bonnes pédales de me rejoindre à 7 heures à Valence  »
[…]
«  Ma Ballon n° 2 m’avait amené jusque-là sans me causer le moindre désagrément  ; la pluie, la boue n’empêchaient pas la chaîne flottante de fonctionner et mes délicats Ballons de luxe se comportaient aussi bien qu’auraient pu le faire des ultravulcanisés. Il en fut d’ailleurs de même jusqu’à mon retour et aujourd’hui encore, après le premier millier de kilomètres, je n’ai pas remarqué chez eux la moindre défaillance et (cela c’est une chance) pas eu de crevaison, pas même un coup de pompe à leur donner. Je traverse sans doute une période de veine et, dès demain peut-être, vais-je crever coup sur coup. Avec les pneus, il faut s’attendre à ces retours de fortune et je souris quand j’entends un cycliste se féliciter de la qualité de ses pneus parce qu’il n’a pas encore crevé. Des pneus indifférents aux clous et aux épines ne seraient pas plus souples que des Ducasble et crèveraient le cycliste à tous les tours de roue  ; ce serait autrement pire que d’user tout un sachet de rustines  ! Des pneus souples, minces et légers comme je ne cesse de les conseiller doivent être, au contraire, très sensibles aux perforations et, s’ils ne crèvent pas, c’est simplement parce qu’ils n’ont pas rencontré de corps perforants sur leur route. On peut pourtant, part des arrache-clous judicieusement placés, les protéger contre les attaques brutales des clous, et j’avais pris la précaution de placer avant mon départ sur ma Ballon no 2, les chaînes croisées de mon ami Durieu à qui je suis redevable aussi (si ce n’est à lui, c’est à son frère) de la vieille touricyclette qui me sert depuis 1905, pendant la période hivernale où la neige et la boue rendent nos routes presque inaccessibles aux machines à chaîne. Je finis aussi par croire, tant j’ai peu crevé pendant les 9.000 km. de ma Ballon no 1 qui n’eut jamais, elle, d’arrache-clous, que les pneus Ballons comme les Conforts des autos, échappent, grâce à leur souplesse, aux morsures des silex, des pointes de verre et même des clous  ; seuls sont à redouter les pinçons, les épines... et les épingles de la malveillance.
J’ai donc tout lieu d’être satisfait de ma Ballon n° 2, comme je l’ai été de ma no 1. Aussi je songe déjà à m’en construire une troisième avec des roues de 550 mm, des ballons de 60 mm, un cadre de forme toute nouvelle pour ceux qui n’ont pas connu le cadre Holbein  ; et cette Ballon no 3 pèsera, s’il ne dépend que de moi, dix kilos, comme ma Sumbeam de 1892, sans pourtant avoir recours à ces nouveaux alliages, Conlov ou Duralumin, qui sont cassants comme du verre et qui, s’ils allègent de 20 % une bicyclette, la rendent de 50 % plus fragile à ce qu’on m’assure, car je n’en ai pas fait encore l’expérience.  »
Vélocio, «  Randonnée pascale  », Le Cycliste, mars-avril 1928, p. 31-33, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15
JUIN 1928

«  J’avais d’ailleurs sous la main ma Ballon no 2, toute poussiéreuse encore des 380 km. de l’itinéraire des 27 et 28 mai, et c’est elle que je choisis.
Cette bicyclette, qui m’a servi à Pâques, à Pentecôte, dans plusieurs excursions dominicales et qui me sert presque tous les jours, peu ou prou, pour mes courses en ville, a maintenant près de 3.000 kilomètres à son actif  ; ses pneus façon-main demi-couverts de luxe, ne semblent pas fatigués le moins du monde et je n’ai encore à son passif qu’une seule crevaison. Voilà de bons états de service.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste”  », mai juin 1928, p.39-40, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/4
EXCURSIONS DUCYCLISTE”, MARS AVRIL 1929

«  Nous causons longuement, pendant que M. J... se restaure à son tour  ; on a tant de choses à se dire entre cyclistes expérimentés, documentés par une longue pratique et qui défendent chacun son point de vue. Nous ne sommes pas d’accord sur tous les points, et pas plus que M. J... ne voudrait se servir de mes machines légères à pédalier bas, sans cale-pieds, à seulement trois vitesses par flottante, je ne voudrais monter la sienne, et nous avons l’un et l’autre de bonnes raisons à donner pour justifier nos préférences.  »
Vélocio, «  Excursions du “Cycliste” », Le Cycliste, Mars Avril 1929, p.30, Source Archives Départementales de la Loire, cote PER1328_15
RANDONNÉE D’AUTOMNE, 1929

«  J’ai ma Ballon n° 2, à cadre ouvert, pneus façon mains, trois vitesses  : 6 m. 50, 5 m. et 3 m. 30, par flottante. Comme d’habitude, j’emporte une enveloppe et une chambre de rechange, et je conseille à tous les ballonnistes d’en faire autant, car il est vain d’espérer pouvoir se ravitailler en pneus en cours de route, pas plus en B qu’en C. Une enveloppe roulée convenablement sur elle-même en une couronne de 30 cm. et fixée sur le garde-boue, sous la selle, occupe peu de place, ne me gêne pas et me sert même de porte-bagage. Jusqu’ici, je n’avais jamais eu besoin de m’en servir, mais cette fois je fus bien aise de la trouver, après une fâcheuse collision avec un tesson de bouteille qui, aux environs de Montélimar, trancha net mon pneu avant  : chambre et enveloppe furent entaillées de 8 cm. et ne pouvaient être réparées sur place.  »
Vélocio, «  Randonnée d’automne  », Le Cycliste, 1929, p.100-102, Source Archives Départementales de la Loire, cote IJ871/4

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